Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/411

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
405
LES COLONIES PÉNALES DE L’ANGLETERRE.

tenaient à la classe des hommes libres. Celle-ci avait presque doublé en cinq années. Pour comprendre cette disproportion croissante, il ne suffit pas de savoir que le nombre des émigrans libres augmente chaque année, pendant que celui des déportés se maintient à peu de chose près au même niveau ; il faut encore se rappeler que la classe des condamnés n’a jamais été dans des conditions favorables à la reproduction de l’espèce humaine. Pendant que l’on compte, dans les rangs de la population libre, deux femmes pour trois hommes, l’on trouve à peine 1 femme pour 7 hommes dans les rangs des condamnés. C’est l’émigration libre qui fait aujourd’hui la force et qui représente l’avenir des colonies que l’on espérait d’abord peupler avec les seuls déportés. Plus de 100,000 émigrans quittent chaque année les ports de la Grande-Bretagne ; en supposant que la cinquième partie de ce nombre aille s’ajouter à la population de l’Australie et de Van-Diemen, avant un quart de siècle la race anglaise aura couvert les terres australes de 1 million d’hommes et sera parvenue à s’assimiler ce vaste continent.

Les premiers colons libres qui vinrent se fixer dans les établissemens de l’Australie étaient des fermiers pauvres, des artisans qui n’avaient d’autre capital que leur industrie, et même des gens sans aveu. Il n’y avait, en effet, que la misère ou le vice qui pût diminuer, aux yeux de ces émigrans, l’horreur qu’inspire toujours le contact des malfaiteurs. Le gouvernement, pour encourager l’expatriation, offrait alors le passage gratuit, des concessions de terres, des avances en rations, en instrumens aratoires, en bestiaux et souvent même en bâtimens. Plus tard, il se fit lui-même agriculteur et tenta d’exploiter, avec l’assistance obligée des condamnés, des fermes établies à New-Castle et à Emu-Plains ; mais ces efforts mal dirigés restèrent sans résultat. Même pour féconder une colonie, au point de vue de la richesse, le travail ne saurait suffire ; il faut encore une base morale, une impulsion intelligente et une certaine abondance de capitaux.

La Nouvelle-Galles du sud n’a commencé à prospérer que du moment où l’émigration qui l’inondait s’est recrutée parmi les classes moyennes de l’Angleterre et a déposé sur les terres australes une alluvion d’agriculteurs honnêtes, laborieux et capitalistes à quelque degré. Alors la colonisation s’est faite concurremment par les individus et par les compagnies. Il s’est formé à Londres une compagnie agricole pour mettre en valeur le territoire de la Nouvelle-Galles ; une autre s’est plus spécialement attachée à la terre de Van-Diemen ; la