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l’objet se trouvent bien nourris, bien vêtus, et reçoivent un salaire de 10 ou 15 liv. st. par année (250 à 375 fr.). Dans les familles respectables, ils sont aussi bien traités que peuvent l’être les domestiques en Angleterre dans les meilleures maisons.

Les condamnés qui sont des ouvriers habiles ont un sort égal, sinon préférable, à celui des domestiques. Quiconque a été forgeron, charpentier, maçon, charron ou jardinier, se voit recherché avec empressement dans une colonie où le travail est à si haut prix. Un condamné de cette espèce vaut deux ou trois déportés ordinaires. Mais, comme il n’y a pas de peine qui puisse contraindre un artisan à exercer son habileté, le maître a intérêt à se concilier les bonnes graces de son domestique pour obtenir de lui qu’il apporte du soin à son travail. C’est ce qu’il fait en lui payant un salaire, en lui permettant de travailler à la tâche, et même pour son propre compte, enfin en fermant les yeux sur ses désordres ; car, dans les colonies pénales comme dans l’ancien monde, les ouvriers les plus habiles sont peut-être aussi ceux qui ont la plus mauvaise conduite et qui s’adonnent le plus à l’ivrognerie.

La plus nombreuse classe d’assignés est celle des condamnés que l’on emploie comme bergers ou comme bouviers. La Nouvelle-Galles en comptait 8,000 en 1837. Ces hommes ont une condition plus dure sans contredit que celle qui est réservée aux domestiques et aux ouvriers. Cependant les témoignages recueillis dans l’enquête de 1836 les représentent comme étant mieux nourris que la plupart des laboureurs dans la Grande-Bretagne ; ajoutons qu’ils reçoivent de leurs maîtres soit des gages, soit, au lieu d’argent, du riz, du sucre, du tabac et de l’eau-de-vie.

Ce qu’il y a de pire dans un pareil châtiment, c’est l’inégalité avec laquelle il peut se trouver appliqué selon les cas. Le sort d’un esclave dépend nécessairement du caractère de son maître, et l’assigné est l’esclave du planteur. La seule différence consiste en ce que le planteur n’a pas le droit d’infliger lui-même à l’assigné une punition corporelle ; mais il y supplée en invoquant l’autorité du magistrat. L’esclave est d’ailleurs un condamné à vie, tandis que l’assigné n’est qu’un esclave à temps.

Les lois reconnaissent certains droits à l’esclave ; il a bien fallu déterminer ceux qui resteraient à l’assigné. On a fixé la quantité des alimens et la qualité des vêtemens que le maître aurait à lui fournir ; les règlemens veulent en outre que le maître qui maltraitera un assigné, si le fait est prouvé, soit privé à l’instant de ses services. Mais,