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LES COLONIES PÉNALES DE L’ANGLETERRE.

pousse cet expédient comme entraînant l’alternative d’un régime militaire dégradant par sa brutalité, ou d’un laisser-aller qui démoraliserait les condamnés. Il fait remarquer en outre qu’il faudrait doubler le nombre des soldats que l’on entretient dans les colonies pénales, et qu’un condamné employé aux routes coûtant 14 liv. st. par an à l’état, tandis qu’un assigné ne lui coûte que 4 l. st., le budget des dépenses s’accroîtrait de 300,000 l. st. par année (7,560,000 fr.). Enfin l’on avait conseillé de créer des pénitenciers dans l’Australie ; le comité prouve qu’il est facile de les construire en Angleterre à meilleur marché, et que l’on épargnera d’ailleurs ainsi les frais inhérens au transport des condamnés, frais qui s’élèvent annuellement à 2 millions de francs.

Nous considérons, quant à nous, l’état de choses qui existe dans les colonies australes comme la conséquence nécessaire de la déportation. Aucune amélioration du système ne nous paraît possible ; il faut y renoncer d’une manière absolue, ou se résigner aux fruits amers que cet arbre a portés. Les deux périodes par lesquelles ont passé les établissemens de l’Australie étaient le développement rationnel du principe qu’y avaient déposé leurs fondateurs. Ils ont commencé par être un bagne perdu au milieu du désert, et ils seraient restés un bagne, si l’on n’avait admis l’émigration libre à venir occuper l’espace qui demeurait vide devant les condamnés ; mais du moment où les émigrans d’origine libre ont pris possession du sol, en assez grand nombre pour le cultiver et pour s’y multiplier eux-mêmes, deux races différentes se sont trouvées en présence, deux races qui différaient comme deux castes, dont la plus forte devait dominer l’autre, et la plus faible obéir.

Les colonies australes sont devenues des colonies à esclaves, en vertu de la loi qui a institué partout les esclaves dans l’ancien monde, et au moyen-âge les serfs. L’égalité doit exister dans les faits avant d’être érigée en principe légal. Si l’on veut que les malfaiteurs ne soient pas réduits à l’état d’esclavage, il faut les isoler de tout contact avec la société, et les enfermer étroitement dans les prisons. Si vous les mêlez avec les autres hommes, vous ne pouvez pas les placer sur le même rang ; car ce serait dégrader la société. Ils doivent porter la peine et la marque de leur infériorité morale, et jusqu’ici l’on n’a pas trouvé une autre place dans l’ordre social pour ces parias de la loi, quand on leur a fait respirer l’atmosphère où vivent les honnêtes gens, que celle qui s’étend depuis l’esclavage jusqu’à la domesticité.