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DISCOURS PARLEMENTAIRES.

trouve aujourd’hui tout-à-fait séparé du gouvernement, tandis que ceux qu’il en repoussait disposent souverainement, depuis 1830, de la puissance publique. La bourgeoisie, qui, sous l’ancienne dynastie, se fût estimée heureuse d’un partage, même inégal, d’influence et de pouvoir avec la grande propriété, a été tout à coup poussée au premier rang par le souffle impétueux des révolutions, et elle est devenue maîtresse avant de savoir tout ce qu’il faut pour gouverner.

Cette élévation si rapide de la bourgeoisie ne saurait lui être imputée à crime, car la bourgeoisie n’a donné l’exclusion à personne, et ce n’est pas sa faute si des évènemens extraordinaires qu’elle n’avait point provoqués ont, pour un temps, écarté du pouvoir les représentans de la grande propriété et de l’ancienne France. Cette situation de la bourgeoisie serait insoutenable et fausse si elle était le résultat d’une violence arbitraire ; mais ici la nécessité a tout fait. Il est désirable que ceux qui, par leur singulière imprudence, ont perdu toute participation au gouvernement du pays arrivent à mieux comprendre enfin leurs devoirs et leurs droits. La grandeur et la prospérité de la France ne peuvent résulter que du concours de tous. Avec un gouvernement de charte octroyée, le côté droit pouvait se proposer de tendre la main à la bourgeoisie et de l’initier graduellement au pouvoir ; aujourd’hui la bourgeoisie, portée au timon du gouvernement par une révolution, attend que le côté droit vienne lui demander une place.

Nous n’avons pas dissimulé les inconvéniens de la révolution de 1830 ; nous en indiquerons maintenant les avantages. Les libertés et les droits constitutionnels ont conquis un terrain qu’ils ne peuvent plus perdre ; la loi fondamentale du pays est désormais assise sur une base inébranlable : elle s’interpose avec une autorité souveraine entre la nation et la dynastie qui préside à ses destinées. Toutes les questions touchant les droits respectifs de la couronne et du pays, questions qui ont embarrassé d’une manière si funeste la marche de la restauration, sont vidées. La charte n’est plus octroyée, elle a été consentie ; le trône n’est plus chose reconquise : il a été librement offert et constitutionnellement accepté. Les libertés les plus essentielles d’une démocratie tempérée ont été organisées. Puisque ces progrès incontestables, puisque ces garanties précieuses n’ont pu s’obtenir que par un changement fondamental dans l’état, la révolution de 1830 a donc toute l’autorité d’un fait nécessaire et primordial.