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LA LITTÉRATURE ILLUSTRÉE.

core moins de les expliquer dans sa vulgaire ambition, elle n’a qu’un but, c’est de prendre le plus de dupes possible à l’appât de ses compilations illustrées.

Malheureusement, à côté de ces aventuriers littéraires, on voit des écrivains distingués, qui ont habitué le public à compter sur eux dans la littérature sérieuse, consentir à être des faiseurs de paroles pour des dessinateurs de troisième ordre. On a beaucoup reproché à M. Scribe ce métier de manœuvre littéraire qu’il acceptait dans tous les opéras. M. Scribe au moins se faisait l’organe de Meyerbeer, et dans cette commandite il pouvait avouer hautement son associé. Nous ne voulons pas dire, nous ne voulons pas même savoir les motifs qui ont poussé des hommes de talent à venir abdiquer ainsi, dans toute la plénitude de leur jeunesse et de leur force, cette dignité de l’esprit qui doit toujours être la vertu de l’écrivain. Se pourrait-il que par le fait même du talent, la parole, qui n’a été donnée au talent que pour servir l’idée ou la poésie, que l’outil divin de la grandeur humaine ne soit plus qu’une matière vénale au service, aux gages de quiconque veut la payer ? Ce scandale a été donné par trop peu d’hommes d’un mérite véritable pour qu’eux-mêmes ne reviennent pas de l’erreur où ils sont tombés ; ils laisseront cette littérature de marchands forains et d’étalages à ces folles plumes qui ont compromis leur renommée ou qui n’ont pu s’en faire aucune. Ils ne mettront pas ainsi leur nom au Mont-de-Piété pour aider à tromper le public, qui croit trouver dans ce qu’ils signent le talent de leurs autres œuvres, et qui ne le trouve jamais. Alors la littérature pittoresque n’aura plus pour instrument que ces natures fourvoyées qui, poussées à Paris de tous les points de l’horizon par la grande maladie des esprits, s’imaginent que le mépris des études et des traditions littéraires est le talent, et l’impertinence de la parole, le génie. Cette famille d’écrivains, la plus nombreuse, et qui s’accroît chaque jour, alimente surtout les publications pittoresques. Ce sont des jeunes gens qui n’ont pu prendre leur vocation au sérieux, et qui, pour ne pas se séparer des immenses facilités de plaisir qu’une grande capitale procure toujours, ont cru que de toutes les vocations la plus facile, la plus lucrative, était la vocation la plus élevée, la plus difficile, la littérature. Parmi ces écrivains, il en est sans doute qui méritent plus de pitié que de blâme, il en est qui n’arrivent à vendre ainsi leur plume, à sacrifier leur dignité, qu’après une lutte opiniâtre avec la misère. Ce n’est