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partie de cette province n’est qu’un vaste atterrissement. Lorsque les forces cachées au centre de notre globe soulevèrent les Andes et l’Amérique au-dessus des mers primitives, le courant équatorial, subitement arrêté dans sa marche d’orient en occident, vint se heurter contre cette barrière. Nous avons vu plus haut pourquoi il dut se porter vers le nord. Trouvant moins de résistance vers le milieu du nouveau continent, il y creusa peu à peu le golfe du Mexique, ou du moins arracha de ses côtes les matériaux les moins résistans. Repoussé par le massif de l’Amérique septentrionale, il chercha une issue vers l’Atlantique, et, rencontrant la chaîne de roches calcaires qui borde la Floride à l’est, il fut contraint de se replier jusqu’au canal de Bahama. Tous ces obstacles, en retardant sa marche, lui permirent de déposer les masses énormes de détritus de tout genre qu’il enlevait au continent. Peu à peu, des bancs de sable et de vase s’élevèrent au pied de la digue opposée par la nature à l’impétuosité de ses vagues. À mesure que la mer élargissait sa route, son niveau s’abaissait, et bientôt du milieu des ondes sortit la Floride, pays plat, à peine ondulé, semé de vastes flaques d’eau et se perdant en pente insensible sous la mer qui lui donna naissance. Les marais salés qui s’étendent du bord occidental de la presqu’île jusqu’à la rivière de Saint-Jean attestent encore de nos jours la réalité de ce mode de formation. Dans la Floride centrale, dans la Floride de l’ouest, ces dépôts couvrirent la roche calcaire, qui resta visible seulement sur un petit nombre de points, et surtout dans les îlots qui avoisinent Saint-Augustin.

La roche calcaire elle-même forme une couche d’épaisseur variable, et repose sur un lit d’argile et de gravier. Elle est facilement attaquée et traversée par les eaux pluviales. Celles-ci, arrêtées par un obstacle qu’elles ne peuvent vaincre, s’écoulent entre la roche et l’argile, se réunissent et forment une multitude infinie de canaux souterrains qui, profitant de la première issue, apparaissent tout à coup au grand jour. La rivière de Wakula, qui se jette dans la baie des Apalaches, présente un des plus curieux exemples de ce phénomène. Sa source, décrite pour la première fois par M. de Castelnau, consiste en un bassin ovalaire de trois cents pieds de large, de quatre-vingts pieds de profondeur, d’où sort un véritable fleuve beaucoup plus considérable que la Seine. Ses eaux sont d’une limpidité parfaite. Le voyageur placé dans son canot distingue les moindres rochers qui tapissent le fond de l’abîme ; son œil suit tous les mouvemens des myriades de poissons qui, se jouant au-dessous de