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LA FLORIDE.

sur cent par an, dans le midi cinq sur cent, dans la Floride en particulier six sur cent.

La culture du sol de la Floride ressemble à celle des autres états méridionaux de l’Union, et les produits en sont les mêmes. On n’y récolte guère d’autre céréale que le maïs. De vastes plantations de tabac, de cannes à sucre, mais surtout de cotonniers, sont exploitées par des esclaves. En laissant ainsi aux nègres tout le travail, les planteurs, il faut bien le dire, paraissent obéir à une impérieuse nécessité. Dans ces contrées, les rayons d’un soleil presque tropical tombant d’aplomb sur d’immenses marais, sur des terres où pourrissent sans cesse des débris d’arbres jetés à bas pour le défrichement, en dégagent ces miasmes infects que la race blanche ne peut braver impunément. La race nègre, au contraire, semble se plaire dans ce milieu qui pour nous est mortel. Chétive et abâtardie dans les états du nord où pourtant elle est libre, elle acquiert ici, au sein de l’esclavage, tout son développement physique. Mais livré à lui-même, ce n’est pas au travail que le nègre emploierait la force et l’énergie qu’il semble puiser dans une atmosphère brûlante. Entre ses mains, la culture la plus florissante serait bien vite arrêtée et anéantie ; l’émancipation de la race noire serait pour la Floride naissante, pour tous les autres états du sud, le signal d’une ruine complète et immédiate.

Telle est l’opinion bien arrêtée des planteurs sur l’application locale d’une question qui, prise dans sa généralité, préoccupe de nos jours les plus hautes intelligences, qui peut-être ne sera résolue que par la voie sanglante des armes. Avouons que les faits semblent parler en leur faveur. La détresse des colonies anglaises, obligées d’importer des cargaisons d’Indiens ou de prétendus engagés volontaires pour remplacer leurs anciens esclaves, est un rude avertissement pour les États-Unis. L’exemple de Saint-Domingue est peu propre à donner raison à ceux qui regardent la liberté comme devant être pour les nègres un stimulant au travail. Voyez cette île, qui colonie française fournissait du sucre au monde entier, aujourd’hui contrainte d’aller au dehors chercher cette même denrée ; qu’est-elle devenue entre les mains des compagnons de Toussaint-Louverture ? Ne citons qu’un seul fait. Pour obtenir des produits quelconques de ce sol si merveilleusement fécond, le gouvernement de cette république s’est vu contraint d’attacher les cultivateurs au sol, d’en faire des serfs. Bien plus, il a autorisé tous les officiers de l’armée, c’est-à-dire les propriétaires, à corriger leurs ouvriers avec une canne de grosseur