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DE L’AGRICULTURE EN FRANCE.

quiétudes continuelles, dont la vie est sans cesse compromise, l’industrie commerciale et manufacturière, est l’objet de tous les soins ; c’est pour elle que se font les lois, les traités ; on stipule de ses intérêts aux dépens de son frère qui la fait vivre et qui n’obtient que des phrases officielles, encens annuel que l’on croit devoir suffire à sa grossière simplicité.

Est-ce la bonne volonté qui manque au gouvernement pour protéger efficacement l’agriculture ? Nous ne lui faisons pas cette injure. Tous nos hommes d’état connaissent l’importance de cet art, tous voudraient lui être utiles. Et comment en serait-il autrement ? La plupart de nos législateurs ne sont-ils pas appelés par des électeurs qui cultivent le sol ? Eux-mêmes ne quittent-ils pas la charrue, ou n’y tiennent-ils pas de près ? Quand le général Bugeaud, un des plus dignes représentans des intérêts agricoles, demanda l’augmentation des fonds d’encouragement, l’opposition qui se manifesta était-elle hostile à l’agriculture ? Eh ! mon Dieu non ! On craignait le mauvais usage que l’on pourrait faire du crédit demandé, on craignait de le voir livré à des mains inexpérimentées qui en feraient la proie de l’intrigue et de la faveur ; mais, si on lui avait donné d’avance une destination utile dans l’intérêt du sol français, la chambre aurait été unanime pour le voter. C’est qu’en effet ce n’est pas la bonne volonté pour l’agriculture qui manque ; c’est sans le savoir qu’on lui fait quelquefois beaucoup de mal, on voudrait toujours lui faire du bien ; seulement, disons-le avec franchise, ce bien, on ne sait pas le faire ; on marche en hésitant, parce qu’on craint de ne pas être dans la bonne route. La première chose dont il se faut préoccuper aujourd’hui, c’est de bien établir les vrais besoins de l’agriculture française, c’est de faire naître la conviction sur l’efficacité des remèdes proposés pour guérir ses maux : cela fait, tout sera facile, parce que tout le monde veut lui être propice.

Malheureusement, dans la confusion où sont les idées agricoles en France, ce n’est pas chose facile que d’entraîner cette conviction ; il faut remonter bien haut et bien loin, il faut remuer bien des systèmes, rappeler bien des faits, combattre bien des préjugés, contrarier peut-être bien des intérêts ; il faut autre chose encore, il faut être lu et lu avec attention ; réclamer l’attention de ceux qui ont hâte, de ceux devant qui s’entassent les feuilles et les brochures, et qui ne peuvent suffire à la tâche quotidienne de les lire, n’est-ce pas déjà une des difficultés de l’entreprise ? J’essaie cependant, espérant qu’au moins quelques esprits sérieux m’entendront, et que leur autorité