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Serbes ne tarderont pas à arracher au sultan des concessions nouvelles. La principauté de Serbie ne forme donc que l’embryon d’un royaume destiné à devenir un jour vaste et puissant, s’il atteint les limites physiques qu’assignent à la race qui l’habite les montagnes grecques et la mer Adriatique.

Hors du pays proprement nommé Serbie vivent plusieurs millions d’hommes, les uns catholiques romains, les autres schismatiques, mais tous frères, et qui, après avoir eu long-temps un même gouvernement, font, depuis un demi-siècle, d’obscurs, mais héroïques efforts, pour reconquérir sinon une indépendance complète, au moins leur nationalité. Ces hommes qui tournent les yeux vers la principauté serbe comme sur un fanal de salut sont malheureusement dispersés sur un territoire fort étroit et démesurément long. La race serbe occupe le tiers de la Turquie d’Europe et tout le midi de la Hongrie. En Turquie, ses provinces sont la Bosnie, la Hertsegovine, une partie de la Macédoine, le nord-est de l’Albanie, le Tsernogore, et la principauté spécialement nommée Serbie ; dans l’empire d’Autriche, le Serbe habite la Dalmatie, la Croatie, la Slavonie, une partie de l’Istrie, les frontières militaires, le Banat, la Syrmie, et le littoral du Danube depuis la Batchka jusqu’à Saint-André, près Ofen. Toutes ces provinces composaient au moyen-âge une unité nationale si forte, que les krals, ou rois serbes, prirent quelque temps le titre d’empereurs d’Orient, et que, pour les abaisser, il fallut une coalition de leurs voisins, comme plus tard pour la Pologne. Puisque cette race ainsi décimée compte encore aujourd’hui cinq millions d’individus, n’est-il pas à croire que si jamais elle parvenait à renouer par une confédération ses membres dispersés et à obtenir une existence moins précaire, elle doublerait bientôt le nombre de ses enfans ?

Sous la domination turque, la principauté de Serbie était divisée en douze pachaliks ou nahias, qui avaient pour chefs-lieux Belgrad, Chabats, Valiévo, Sokol, Oujitsa, Pojega, Roudnik, Kragouïevats, Iagodina, Grotska, Smederevo et Tjoupria[1]. Ces douze villes, unies entre elles par un réseau de douze cent trente-un villages, relevaient toutes d’un visir suprême, qui siégeait dans la citadelle de Belgrad. Aujourd’hui des gouverneurs nationaux ont remplacé les pachas, et les Turcs n’occupent plus qu’au nombre de quelques milliers les for-

  1. Nous écrivons ces noms et tous les mots serbes comme ils sont écrits par les indigènes, sans nous conformer à l’orthographe vicieuse adoptée par nos journaux et nos voyageurs.