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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

convièrent donc le lendemain par leurs joyeux carillons le peuple au sacre de son kniaze. Au milieu des antiques cérémonies usitées pour cette circonstance dans l’église orientale, Miloch fut oint de l’huile du Seigneur par le métropolite. Ce n’était plus un chef populaire ; d’élu de ses compagnons de péril, il devenait l’élu des puissances, l’élu d’en haut ; il était sacré. Désormais il ne feindra plus d’offrir au peuple mécontent son abdication, comme il a fait quelques mois avant l’arrivée du hati-cherif ; il prendra sur l’autel tous les droits qu’il lui plaira de conquérir et qu’il n’aura plus à demander aux diètes. Bien qu’il se passât au fond des forêts, cet évènement fit quelque bruit dans le monde. Après l’avoir raconté dans sa Gazette serbe, Davidovitj ajoute : « Maintenant, les journaux d’Europe parlent de la Serbie ; on nous connaît, on nous sait redevenus un peuple. Ce qu’on écrit de nous est parfois vrai, parfois capable d’exciter le sourire chez nous autres Serbes ; mais quoi qu’on dise, c’est toujours une preuve qu’enfin on s’occupe de nous[1].

D’après la nouvelle organisation, le kniaze des Serbes pouvait traiter directement avec son suzerain Mahmoud par les députés qu’il envoyait à Stambol ; mais le suzerain était loin, et ses réponses n’arrivaient qu’à de longs intervalles. En outre, les nombreuses réformes solennellement promises ne s’élaboraient qu’avec une extrême lenteur dans les bureaux du divan. Ces années 1831 et 1832 s’écoulèrent donc sans évènemens notables. Ce ne fut qu’en 1833 qu’un nouveau firman impérial apporta à tous les Turcs et aux pachas de la Serbie l’ordre d’évacuer les positions que le texte des traités leur interdisait désormais. « Ce firman libérateur fut salué, dit la Gazette serbe de Belgrad, par un cri de joie de tous les Serbes, du Danube à la Drina et du Timok à la Save ; tous les fusils se déchargèrent, toutes les villes furent illuminées ; il y eut partout des festins. Le bonheur de Miloch ne pouvait être décrit. » Ce qui très probablement rendait Miloch si heureux était la cession qui allait lui être faite par le visir de la douane de Belgrad. Cette cession, entraînant après elle le droit de taxer à volonté tout le commerce d’exportation de la Serbie, assurait indirectement au prince le monopole commercial de sa principauté. La prise de possession de ce précieux privilége par le chef de la Serbie ne se fit pas attendre. Miloch se rendit le 11 décembre 1833 à Belgrad, où il voulut faire une entrée triomphale ; puis, après avoir prié et baisé les icones à la

  1. Serbske novine, 1834.