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taxes des mariages, des moulins, de l’eau-de-vie, de la cueillette de glands, les dîmes de koukourouts (maïs), d’avoine, de miel, de vin, et toutes les corvées, je crois pouvoir réduire l’impôt à la somme unique de trois thalers par tête pour chaque demi-année. Quant à la répartition de cet impôt, elle cesse d’être mon affaire et devient celle des staréchines de chaque localité. Ni mon gouvernement, ni qui que ce soit, n’aliéneront plus les forêts et pacages communaux, dont le peuple doit reprendre l’entière jouissance, puisqu’il en paie les impositions ; et nul village désormais n’interdira ses biens communaux aux frères d’un autre village… Pour assurer la liberté des personnes et l’inviolabilité des biens, pour régler les droits et devoirs du prince, les droits et devoirs des employés et ceux de chaque citoyen, je publie l’oustav (la charte), qui va vous être lu. Nous jurerons tous les uns aux autres, le kniaze aux employés et au peuple, le peuple aux employés et au kniaze, de maintenir cette charte aussi sacrée que si c’était le saint Évangile, et de ne laisser personne en altérer une syllabe sans le consentement de toute la nation rassemblée, devant laquelle mes ministres seront responsables de leurs actes. »

Après ce discours, Davidovitj se leva, le visage rayonnant, et déroula la charte serbe, ouvrage de ses mains et première implantation française dans les forêts de la Turquie. Cette constitution n’avait qu’un seul défaut, celui d’essayer une transaction impossible entre les formes gouvernementales de l’Europe moderne et le vieux génie de l’Orient. C’est le 3 février 1835 que la charte serbe fut souscrite par Ephrem Obrenovitj, au nom de l’altesse princière, qui ne sait pas écrire, puis par le soviet, les chefs du clergé et tous les députés de la skoupchtina. Miloch, les yeux tournés vers l’orient et la main sur la croix, jura, au nom de la sainte Trinité, d’obéir à la loi nouvelle et de respecter désormais la liberté des personnes et l’inviolabilité des biens. Tout le peuple, versant des larmes de joie et levant au ciel les trois doigts de la main, jura à son exemple fidélité à la constitution. Alors la diète, les évêques en tête, se rendit à l’église pour assister à une messe d’action de graces, durant laquelle l’oustav resta déposé sur le nalone (table des offrandes), au pied de la croix et de l’iconostase ; la charte était censée recevoir un sceau divin et sortir, comme la loi de Moïse, comme toute loi orientale, du fond du sanctuaire. Dans son sermon sur ce texte le passé est passé, tout va devenir nouveau, le métropolite Peter, habile flatteur des deux partis, célébra la Serbie changée par l’oustav dû au kniaze élu de Dieu, et montra