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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

prendre aucune part, de les pouvoir garder toutes en lui avec une inviolable fidélité. Réimprimant en 1829 son ancienne brochure des Communes et de l’Aristocratie, il s’était félicité d’en retrancher ce qui tenait aux controverses antérieures des partis : « Il y a un grand contentement, disait-il, à supprimer les vivacités d’une vieille polémique, à se censurer soi-même ; à se trouver en harmonie avec des hommes honorables dont autrefois on était plus ou moins divisé ; à se sentir plus toléré et plus tolérant ; à reconnaître qu’autour de soi tout est plus calme dans les opinions et les souvenirs. » Ce passage dut plus d’une fois lui revenir en mémoire, ce me semble, avec le regret de penser qu’il ne se rapportait pas également à d’autres, et qu’à mesure que les choses étaient réellement plus calmes, les esprits des amis entre eux devenaient précisément plus aigris. Quant à lui, dans ses retours et ses séjours en France, il maintient ce rôle honorable et affectueux qui fait oublier le politique et qui sied à l’ami des lettres. Toutes les fois qu’il a dû prendre la parole dans des solennités publiques (et il l’a fait récemment en plusieurs occasions), on a retrouvé avec plaisir son esprit ingénieux et grave ; l’idée morale, la disposition religieuse, qu’il a témoignée de tout temps, semble même prévaloir en lui avec les années, et rien n’altère cette sorte d’autorité légitime qu’on accorde volontiers, en l’écoutant, à l’écrivain éclairé, à l’homme de goût et à l’homme de bien.


Sainte-Beuve.