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CHILLAMBARAM ET LES SEPT PAGODES.

de ce cloître sont sculptées aussi avec soin ; l’artiste hindou met partout l’ornement autour du pilastre, parce que sous ses yeux la liane se suspend toujours au tronc de l’arbre. Pénétrons plus avant ; nous trouverons de vastes chapelles, des sanctuaires, un étang, une piscine, une variété d’édifices qui trouble le regard, et une grandeur de lignes qui bientôt repose l’esprit un peu déconcerté. Dans la troisième enceinte, fermée de murs sur lesquels court une inscription en caractères telingas, sont contenues trois chabeïs ou chapelles.

La première est consacrée à Içwara, le maître, le Dieu universel et infini, cause et substance des êtres créés ; Civa, selon l’acception mythologique et populaire, et plus particulièrement ici, Civa qui se plaît dans les neiges du mont Kaïlaça, comme l’indique son surnom Sitambara (Chillambaram), vêtu de blanc. Au-fond de la seconde, on voit Vichnou dans son attitude pensive et conservatrice, assis sur le serpent Çécha aux mille têtes. Les détails de sculpture abondent dans ces deux petites pagodes ; l’une, détachée du sol, repose sur deux roues de pierre comme un char immense ; l’autre, soutenue par des piliers de la plus gracieuse forme, semble le vestibule d’un palais féerique créé par enchantement, car on ne peut supposer que tout cela ait été bâti par les karoumans (tailleurs de pierre), qu’on rencontre sur les routes presque nus et portant de grossiers outils dans un sac de cuir.

Enfin, voici la troisième chapelle : deux statues à quatre bras en porphyre brun, presque bleu, et de taille colossale, défendent l’entrée du sanctuaire. Là tout est symbolique ; cinq piliers de sandal sans images représentent les cinq élémens : l’air, la terre, le feu, l’eau et l’atmosphère, akas ; quatre piliers historiés, les quatre Vedas ; dix-huit autres, les dix-huit Pouranas, et dix autres, les dix Castras ; il n’y a pas jusqu’au nombre des chevrons qui n’ait un rapport allégorique avec des nombres consacrés. Au-dessus de l’édifice brillent neuf boules de cuivre, qui sont les neuf incarnations de Vichnou, ou les neuf ouvertures du corps. Le temple même est séparé du sanctuaire par un espace large de quelques pieds et pareil à un fossé ; c’est là que s’arrêtent les profanes. Les brahmanes seuls, préposés à l’entretien des choses saintes, s’asseoient familièrement près de l’idole frottée d’huile, richement habillée, éclairée par des lampes sans nombre, parée de fleurs ; au fond de ce sacrarium règne un demi-jour mystérieux. Cette idole renommée fut, selon la légende, trouvée dans un coffre par un roi de la dynastie des Cholas, à qui Civa lui-même, sous la forme d’un précepteur spirituel, indiqua ce précieux trésor caché en terre ; cette