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DE LA POÉSIE DE M. DE LAMENNAIS.

écloses, les pensées mal comprises amènent de tristes naufrages. Que celui qui veut porter à ses lèvres la coupe du bien et du mal se demande s’il aura le courage de la vider. La poésie, telle qu’elle est sortie, surtout depuis soixante ans, des entrailles de la philosophie moderne, est une muse sévère et forte dont on n’obtient pas aisément un encouragement et un sourire. Elle dédaigne les stériles hommages de ces présomptueux qui ne soupçonnent pas que dans ce siècle le véritable enthousiasme ne peut résulter que d’une réflexion profonde. Qu’est-ce que la beauté, sinon une révélation glorieuse de la vérité ? Il faut donc conquérir cette vérité par d’héroïques et longs efforts, car la nature la cache, on dirait qu’elle en est envieuse ; du moins elle nous la fait toujours acheter. La vérité, c’est la statue d’Isis, dont il faut enlever le voile, c’est l’or au fond de la mine. Que le poète, chrétien ou philosophe, ne s’avise de chanter qu’après s’être mis d’accord avec lui-même. L’unité seule produit l’harmonie.


Lerminier.