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LIVERPOOL.

de Liverpool, la pauvreté n’est pas, à beaucoup près, le plus saisissant.

Les logemens des ouvriers à Liverpool sont encore plus insalubres qu’ils ne sont misérables. Leurs familles vivent, en majeure partie, dans des caves (cellars) ou dans des cours fermées, et manquent d’air avant de manquer de pain. On compte sept mille caves habitées par plus de vingt mille personnes ; cinquante à soixante mille personnes peuplent les arrière-cours.

Les caves dans lesquelles végètent les tisserands de la Picardie et de la Flandre sont des habitations de luxe auprès de celles que recherche la population irlandaise à Liverpool. Celles-ci sont des espèces de trous de dix à douze pieds carrés de surface, ayant souvent moins de six pieds anglais de hauteur, en sorte qu’il est difficile à un homme de s’y tenir debout. Ces tanières n’ont pas de fenêtres ; l’air et la lumière n’y pénètrent que par la porte dont la partie supérieure est généralement au niveau de la rue. On y descend, comme dans un puits, par une échelle ou par un escalier presque droit. L’eau, la poussière et la boue s’accumulent au fond ; comme le sol est rarement parqueté, et qu’aucune espèce de ventilation n’y est possible, il y règne une épaisse humidité. Dans quelques endroits, la cave a deux compartimens, dont le second, qui sert de chambre à coucher, ne reçoit de jour que par le premier. Chacune est habitée par trois, quatre et jusqu’à cinq personnes. Le loyer coûte deux shellings par semaine, ou plus de 130 francs par an. À ce prix, on peut avoir une chambre au premier étage, quand on loue à la semaine, et une maison tout entière, quand on loue à l’année. Un père de famille à qui je demandais l’explication de cette préférence des classes laborieuses pour les logemens souterrains me répondit : « Je suis plus près de la rue pour mes enfans. »

Les enfans des ouvriers passent, en effet, dans la rue les journées et même une partie des nuits. Sans ces habitudes d’une vie tout extérieure, la jeunesse, déjà si pâle et si peu agréable de formes à Liverpool, s’étiolerait bien davantage. Mais l’éducation qui se fait sur le pavé a aussi ses dangers. L’existence des Anglais étant plus intérieure et moins sociable que celle d’aucun autre peuple, il s’ensuit que l’on ne rencontre guère habituellement dans les rues que les hommes qui sont en lutte avec les lois. Voilà les instituteurs qui élèvent les enfans du peuple ; l’école, ou plutôt le champ d’expériences, ce sont les docks, où ces petits larrons s’exercent à piller la marchandise déposée sur les quais. En 1836, et dans un rapport