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LA SIRÈNE.

C’était le premier jour qui sortit du chaos ;
Comme un blanc nénuphar qui germe au fond des eaux,
Le monde, épanoui dans l’éternel orage,
De l’océan de vie embaumait le rivage.
Des brumes du néant encore environné,
Sans parens, sans berceau, chaque être, nouveau-né,
Se taisait ; et les vents, étouffant leur murmure,
Essuyaient des forêts la sainte chevelure.
Point d’hymne printanier, messager du soleil.
Sur son lit virginal, dans un profond sommeil,
En silence mêlée à l’haleine des roses,
Dormait, au fond des lacs, la grande ame des choses.


Comme au sortir d’un songe où les yeux sont ouverts,
Un soupir s’exhala du muet univers ;
La vague s’amollit sous une tiède haleine,
Et c’est toi qui surgis, éternelle Sirène,
Confidente, aux yeux bleus, de l’abîme en travail.