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de ses ennemis, même au sein de la capitale. Les bruits les plus absurdes, les publications les plus mensongères, les suppositions les plus injurieuses, rien n’est épargné pour irriter les esprits, pour soulever l’opinion, pour plonger de nouveau l’Espagne dans toutes les horreurs des discordes civiles. Le gouvernement déploie dans ces graves circonstances autant de modération que de fermeté, et il est admirablement secondé par Narvaez. Si le ministère avait rencontré partout des hommes de cette trempe, les désordres de la Catalogne et de l’Aragon seraient déjà réprimés. Ces mouvemens, qui n’ont rien de national, n’ont quelque apparence de gravité que par l’étrange mollesse des capitaines-généraux et par les connivences de quelques ayuntamientos.

Au surplus, tout porte à croire à un rapprochement entre l’Angleterre et la France en ce qui concerne les affaires de la Péninsule. Dès-lors la cause des partis extrêmes est perdue sans ressource, car les descamisados, les carlistes, les espartéristes, n’ont point de racines dans le pays ; leurs coupables espérances ne reposaient que sur l’appui et l’influence de l’étranger. Une fois les cortès réunies et la reine mise en possession du gouvernement, la question du mariage ne peut pas tarder à trouver une solution. Dans la situation présente de l’Europe, on peut sans crainte affirmer que le mariage conclu, la reine Isabelle sera promptement reconnue par les puissances du Nord. Leur refus n’était qu’un moyen d’action dans cette grave question, un moyen de négociation, un équivalent qu’elles tenaient en réserve pour contrebalancer l’influence de l’Angleterre et de la France. Le mariage étant conclu, elles n’auraient plus d’intérêt à s’interdire toute relation amicale avec l’Espagne. Ce ne serait plus qu’une bouderie sans but, et qui tournerait au profit de la France et de l’Angleterre.

Les troubles des légations paraissent se prolonger, et on ne peut assez déplorer des tentatives qui ne peuvent avoir pour résultat qu’une sévère répression, des mesures de police de plus en plus vexatoires, et peut-être aussi, si l’émeute venait à prendre quelque consistance, une invasion de troupes étrangères. Lorsqu’on songe à tout ce qu’une pareille levée de boucliers a d’étrange dans la situation présente de l’Europe, on est forcé de se demander si ces hommes sont dupes d’une illusion ou de quelques perfides suggestions. Espérons, dans leur intérêt et dans l’intérêt de l’Italie, qu’ils ne tarderont pas à ouvrir les yeux, et à ne plus fournir des armes à ces polices qui ne cherchent que des occasions de sévir.

Les Hollandais ne sont pas encore sortis de leurs embarras de finances. Les états-généraux n’étant pas disposés à accueillir le projet d’un impôt sur les rentes de l’état, le ministre des finances a donné sa démission, et a été provisoirement remplacé par le ministre de la justice, qui était opposé à la mesure proposée par son collègue. Évidemment, le ministre démissionnaire n’avait pas considéré qu’un impôt sur les rentiers de l’état n’est sans inconvéniens que là où le crédit public est assis sur des bases inébranlables, et où les rentes sont presque exclusivement possédées par des nationaux. Partout