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FERNAND.

serait mal, que sa santé réclamait des ménagemens, et qu’il était plus prudent et plus sage de pousser jusqu’à la ville ; elle insista d’une voix impérieuse : je cédai. À peine entrée, elle refusa de rien prendre et se fit conduire dans une chambre où je la suivis. C’était une grande pièce meublée de plusieurs lits qui, rangés à la file, lui donnaient l’air d’une salle d’hospice ; les murs, blanchis à la chaux, n’avaient d’autres ornemens que des images de saints grossièrement enluminées ; les araignées filaient leurs toiles entre les poutres noircies qui servaient de plafond. Je m’approchai d’un des lits ; les couvertures en étaient lourdes et froides, les draps humides et rudes. Bien qu’on touchât aux premiers jours du printemps, l’atmosphère de l’appartement se ressentait du voisinage des Apennins encore chargés de neige. Je demandai du bois, et, tandis qu’Arabelle se couchait, j’allumai moi-même un grand feu qu’il fallut presque aussitôt éteindre à cause de la fumée qui se répandait à flots dans la chambre. J’allai au chevet d’Arabelle. — Mon amie, vous le voyez, lui dis-je avec découragement, ce lieu serait inhabitable, même pour une personne en santé. — On n’y vivrait pas, me répondit-elle avec calme, mais on peut y mourir. — Et comme à ces mots je demeurais frappé de stupeur : — Fernand, reprit-elle d’une voix ferme, ne restez pas ici, partez. Je suis décidée à ne pas sortir vivante de cette chambre, et je sens que votre présence, au lieu de les adoucir, ne ferait qu’irriter mes derniers momens. — À l’altération de ses traits et à l’expression de son visage, je compris que ce n’était point un jeu et qu’elle parlait sérieusement. Il n’y avait pas de temps à perdre. Le postillon était encore avec ses chevaux dételés à la porte de l’hôtellerie. Je lui criai de ratteler. Je me jetai dans la voiture ; au bout d’une heure, j’entrais dans Florence et j’en sortais une heure après, accompagné d’un médecin et rapportant tous les objets présumés nécessaires à l’état d’Arabelle.

Lorsqu’à mon retour je lui parlai d’un médecin, elle me signifia qu’elle ne consentirait pas à le recevoir. — Vous avez pris, dit-elle, une peine inutile : la médecine n’a rien à voir ici. Je ne demande qu’une chose, c’est qu’on me laisse mourir en repos. Mon Dieu ! ajouta-t-elle d’une voix moins brève et presque émue, ma vie fut assez tourmentée, il est juste que ma mort soit tranquille. — En dépit d’elle-même, j’amenai le docteur à son chevet ; mais elle ne répondit à aucune des questions qu’il lui adressa. — Monsieur, lui dit-elle enfin, vous me fatiguez en pure perte. Qu’espérez-vous comprendre à ce qui se passe sous vos yeux ? Où mon mal commence, votre science