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mal séant au deuil, ruisselaient en boucles d’or le long de son visage. Les flots de gaze et de mousseline qui l’enveloppaient tout entière lui donnaient l’air d’une de ces apparitions vaporeuses que les poètes voient flotter sur le bord des lacs, dans la brume argentée des nuits. Je crus d’abord que c’était une illusion de mes sens, et je restai debout, immobile, à la contempler, tandis qu’elle m’observait de ce regard limpide et curieux qui n’appartient qu’aux gazelles et aux jeunes filles. Enfin je me décidai à marcher vers elle ; mais à peine eus-je fait quelques pas, qu’elle s’enfuit, et je m’arrêtai à suivre des yeux sa robe blanche à travers la ramée. N’était-ce point Mme de Mondeberre en effet ? Je la vis apparaître, au bout de quelques instans, telle à peu près que je l’avais vue autrefois ; seulement les années qui venaient de s’écouler avaient laissé sur ses traits comme sur les miens des traces de leur passage. Aussitôt que je l’aperçus, je courus vers elle, et je pressai avec attendrissement ses deux mains sur mes lèvres et contre mon cœur. Elle-même était émue, et c’est à peine si dans le trouble des premiers momens nous pûmes échanger quelques mots. Enfin je songeai à la chère enfant qui avait tant pleuré le jour de mon départ. Je parlai d’Alice à sa mère. « Elle vous a bien reconnu, me dit-elle ; c’est elle qui m’a dit que vous étiez là. Je vous croyais encore à Paris. » Ces paroles me frappèrent d’étonnement et presque de stupeur. « Quoi ! m’écriai-je, cette blanche et belle créature que je viens d’entrevoir… — C’est Alice, c’est ma fille, » répondit Mme de Mondeberre avec un sourire de tendresse et d’orgueil. Quoi de plus simple, et ne devais-je pas m’y attendre ? Ne savais-je pas que l’enfance hérite de ceux qui la précèdent, et que c’est des fleurs tombées de notre front que le temps tresse des couronnes à la génération qui nous suit ? Vois pourtant quelle chose étrange ! ma pensée ne s’était pas une seule fois arrêtée aux changemens que ces sept années avaient dû amener chez Alice, et je croyais naïvement que j’allais retrouver sous ces ombrages l’enfant que j’y avais laissée. Heureusement la nature n’est ni oublieuse ni imprévoyante comme l’esprit de l’homme. Rien ne la distrait de son œuvre. Tout meurt et tout renaît ; un nouveau jet remplace la pousse qui s’effeuille ; à la voix qui s’éteint, une voix plus fraîche succède ; au flot qui se retire, un flot plus harmonieux ; près d’une grace qui se fane, il en est toujours une autre qui fleurit. Ainsi, renouvelant sans cesse son impérissable beauté, la nature marche sans s’arrêter dans son immortelle jeunesse.

Mlle de Mondeberre ne tarda pas à nous rejoindre. Elle rougit en