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HISTORIENS LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

plus patiens des chercheurs. Tel il s’est montré dans tout son rôle, depuis miss Smithson jusqu’à Mlle Rachel, depuis Hernani jusqu’à Lucrèce ; sur Homère, sur l’abbesse Hroswhita, sur la reine Nantechild, sur Ahasvérus, il a émis, accepté et soutenu des doctrines, des vues, qui témoignent de l’ouverture de sa pensée et de sa flexibilité ingénieuse presque indéfinie ; ce qui me fait dire et répéter de plus en plus : « Le critique n’est jamais chez lui, il va, il voyage ; il prend le ton et l’air des divers milieux : c’est l’hôte perpétuel. »

Chez beaucoup de ceux qui avaient épousé très vivement la cause nouvelle au début et qui avaient entonné à haute voix le chant du départ, le mécompte a suivi et s’est fait amèrement sentir. Le reflux de l’ame, à l’âge du retour, est en raison le plus souvent de ce qu’a été la marée montante aux heures de la jeunesse : plus l’on s’était avancé, et plus on se retire. On a été des plus enthousiastes, et l’on se trouve d’autant plus chagrin. Rien de tel chez M. Magnin : son enthousiasme, tout vif qu’il était, vint assez tard et se tempéra de ses autres qualités, de façon à moins craindre le retour. Esprit consciencieux, attentif jusqu’au scrupule, des plus constans et des mieux en règle avec lui-même, s’il semble un peu plus lent à partir, il ne recule jamais et ne revient guère sur ses pas. Lorsqu’il lui arrive, par suite d’obstacles extérieurs, d’être obligé de s’arrêter, d’interrompre sur un point, il n’oublie rien, il amarre sa barque à l’endroit précis, et, s’il reprend ensuite sa marche, c’est sans avoir dérivé. Il se trouve ainsi, après des années, plus en avant et plus en train que de plus ardens au départ, mais qui ont, dès long-temps, rebroussé. Cela s’est vu surtout lorsqu’il a eu à parler, en ces derniers temps, de certaines représentations dramatiques, et, en général, dans ce qu’il a écrit sur les œuvres de l’école poétique moderne depuis 1830. La question dite romantique n’est restée aussi parfaitement présente à aucun autre critique, et nul ne continue d’y porter un coup d’œil plus vigilant, plus scrutateur et moins désespéré. Mais ceci nous mène à soumettre quelques remarques au talent si distingué et si sagace que nous essayons en ce moment de bien démêler.

Je reprocherais précisément à M. Magnin de se trop souvenir peut-être dans quelques occasions, et de reprendre trop juste les choses où elles étaient hier. Les esprits et les choses sont allés tellement depuis quelques années, et se comportent tellement chaque matin, que, pour se remettre au pas avec eux et avec elles, rien n’est mieux, rien n’est plus court et plus juste qu’une certaine inconséquence. Rien ne va par continuité, surtout aujourd’hui ; les époques