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mettre du jeu ; s’il avait plus d’un motif, je l’ignore, je n’imagine que le motif littéraire très suffisant : il attendait patiemment l’heure d’aborder les choses par le plus gros bout, de jeter à l’aise et crûment sa parole saccadée et cassante ; il se sentait le croc, non pas l’aiguillon. Je ne saurais rendre l’effet désagréable que produit sur moi, par instans, ce style bizarre, baroque, bariolé de métaphores et de termes abstraits, à phrases courtes, à paragraphes secs, décharnés, qui sentent encore le résumé du contentieux, et qui poussent par soubresauts l’éloquence du factum jusqu’à une sorte d’élancement lyrique. Dans l’article sur Henri Fonfrède, qu’il apprécie d’ailleurs avec justesse et indulgence, Timon a le bon goût de citer une sortie violente de ce même Fonfrède contre lui, Timon, et il ajoute : « Par Jupiter ! lecteur ! j’aurais pu affiler ma bonne lame, donner de la pointe à ce Scythe, à ce barbare, et lui rendre blessure pour blessure. — Mais nous autres, Grecs d’Athènes, si nous avons du sel aux lèvres, nous n’avons pas de fiel dans le cœur, etc., etc. » J’abrège la parodie : il ne manque à ce choc, à ce cahotage de tous les styles, que d’y avoir fait entrer plus au long ma bonne lame de Tolède ; l’amalgame eût été complet. Laissons l’Hymette et son miel à ceux-là seuls qui en savent les sentiers, à ceux qui, même au sein des passions et des paroles acérées, ne perdent jamais une certaine légèreté de ton et comme une certaine saveur du berceau : Musœo contingens cuncta lepore. Tel fut Courier ; lors même qu’il obtint des succès de parti, c’étaient encore des succès de muse.

Nous ne disons rien ici, d’ailleurs, pour protester contre un succès plus populaire et qui a voulu l’être. Les portraits de Timon ont du relief et du trait, nous en convenons ; ils sautent aux yeux à travers la vitre. Il nous a semblé seulement, en relisant d’excellentes pages écrites, il y a quatorze ans, par M. Magnin, que la critique elle-même s’était fort désorganisée depuis lors : voilà un livre arrivé à plus de onze éditions ; les partis l’ont loué ou blâmé, selon l’intérêt de leur cause ; la valeur littéraire n’a pas encore été extraite et réduite à son poids.

Plus d’analyse conviendrait peu, à propos des deux volumes que nous annonçons ; et puis il nous serait impossible, en continuant de les feuilleter, de ne pas nous rencontrer nous-même face à face sous la plume de M. Magnin, et de ne pas reconnaître avec émotion et sourire tout ce que lui doivent de gratitude d’anciens essais pris d’abord en main par lui et proposés du premier jour à l’indulgence. En parcourant les articles qui composent son premier volume, on