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SITUATION DE L’ESPAGNE.

ouvriers sont las de ces révoltes toujours renaissantes qui ont transformé Barcelone en un champ de bataille. L’autorité devra plutôt résister aux exigences de l’opinion qu’elle ne devra les exciter, car il est probable que les réclamations seront énergiques. Tout le monde demandera d’en finir. C’est là une bonne situation pour le gouvernement, s’il sait en profiter, car il est bien évident maintenant que ce n’est plus de politique qu’il s’agit, mais de la conservation même de la ville, que ces combats perpétuels détruisent matériellement, en même temps qu’ils ébranlent toutes les fortunes et bouleversent toutes les existences.

On assure que les patuleas (c’est le nom que prennent les compagnies franches) ont commis des attentats graves contre la propriété. On pourrait presque dire que c’est un bonheur, tant il importe que ces hommes dangereux se montrent désormais tels qu’ils sont. Il y a loin de là à ces mêmes hommes allant chercher, après leur mouvement contre le régent, les propriétaires les plus riches et les plus recommandables de Barcelone pour les mettre à leur tête. Alors, ils sentaient qu’ils avaient pour eux les sympathies des honnêtes gens ; aujourd’hui, ils comprennent qu’ils sont repoussés et maudits de tous. Tels sont la plupart des hommes d’action à la fin des révolutions ; tant qu’ils représentent quelque chose, ils sont soutenus et portés en avant ; dès qu’ils sont réduits à eux-mêmes, ils effraient jusqu’à ceux qui les avaient le plus encouragés dans d’autres temps.

Une partie de la Catalogne a suivi l’exemple de la capitale, mais tout le pays sera pacifié en même temps, on peut aujourd’hui l’affirmer sans crainte. Saragosse aussi est sur le point de capituler. On a employé contre Saragosse le même système de blocus que contre Barcelone. Ce système a cet avantage, qu’il n’a pas les apparences de la rigueur, et qu’il conduit en définitive à des résultats peut-être plus certains. La famine et l’anarchie sont enfermées dans Saragosse comme dans Barcelone, et il est probable que ces deux villes turbulentes auront reçu dans cette circonstance une leçon dont elles se souviendront long-temps.

Au premier rang des symptômes qui permettent de mieux augurer de l’avenir, figure sans contredit la fidélité inespérée des troupes. Au sortir d’une révolution militaire, il était à craindre que l’armée n’eût perdu tout sentiment de la discipline. Ce danger paraît évité, du moins pour le moment. Il semble que les soldats aient reconnu la voix de leurs anciens chefs, et se soient rangés sérieusement sous leur commandement. Narvaez à Madrid, Ar-