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SITUATION DE L’ESPAGNE.

en réalité, quoique l’apparence soit semblable. Il en arrivera de même en Espagne. Quand on dit que l’Espagne n’est pas apte au gouvernement représentatif, on se trompe ; seulement, elle a besoin de se l’accommoder, de se l’assimiler, et ce n’est pas une œuvre qui s’accomplisse en un jour.

Quel sera ce gouvernement représentatif espagnol dont l’enfantement est si laborieux ? Nul ne le peut dire. Quand le génie national d’un peuple est aux prises avec une forme nouvelle, les combinaisons qui peuvent en résulter sont innombrables. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il ne faut pas trop se presser d’arrêter les conditions du contrat. Les modérés ont voulu imposer trop vite à l’Espagne des institutions qu’elle ne connaissait pas. Le vieil esprit national a résisté, et de cette résistance sont sortis les exaltés. Les exaltés ont été comme les carlistes, mais sous une autre forme, les représentans de la vieille Espagne. Ni les uns ni les autres n’ont compris ce que les modérés voulaient faire ; les uns ont trouvé que c’était trop, les autres que ce n’était pas assez. Le fait est que, pour tous, c’était trop nouveau. L’anarchie est aussi ancienne en Espagne que le despotisme ; l’anarchie s’est défendue, en même temps que le despotisme se défendait, et, dans cette double lutte du passé contre le présent, tout n’était pas illégitime. Sous les exigences les moins rationnelles des carlistes et des exaltés, il y avait quelque chose d’aveugle, mais de respectable : le caractère national.

Une des deux querelles est vidée : espérons que l’autre va se vider. Les carlistes représentaient le passé pur, absolu, inconciliable ; ils ont été défaits, mais après une lutte terrible qui a prouvé qu’il fallait compter avec eux, en même temps qu’ils ont appris eux-mêmes à compter avec la révolution. Quant aux exaltés, ils n’ont péché que par excès de zèle ; maintenant qu’ils ont vu les conséquences de leur entraînement tout espagnol, une transaction avec eux est devenue possible. De leur côté, les modérés paraissent avoir abandonné ce que leurs idées avaient de trop tranchant. Repoussés et proscrits au nom de la nation même qu’ils ont voulu doter de la liberté, ils ont compris qu’il ne suffit pas d’avoir raison au fond, et qu’il faut encore ménager dans la forme les préjugés et les illusions. Ils paraissent résolus à devenir plus prudens, plus attentifs, plus soigneux de répondre aux besoins de tout genre qui pourraient se développer autour d’eux.

À cela près, ce sont les anciens exaltés qui viennent aujourd’hui aux modérés. Les modérés n’ont qu’à changer quelques pro-