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n’ont pas la majorité, ils ne peuvent pas, ils ne doivent pas prétendre au pouvoir. D’un autre côté, comme ils formeront une minorité puissante, le pouvoir, quel qu’il soit, sera forcé de les ménager. Dans cette situation, leur fonction devra être d’appuyer quiconque entreprendra de gouverner, et il y a lieu d’espérer qu’ils le feront. Cette tactique est à la fois la meilleure et la plus honorable.

On voudra sans doute conserver le ministère Lopez, à qui revient l’éternel honneur de l’initiative dans le mouvement généreux qui s’accomplit aujourd’hui ; mais ce ministère a besoin d’être fortifié. Après M. Lopez, les premiers hommes du moment sont MM. Olozaga et Cortina. M. Olozaga et ses amis représentent une espèce de centre gauche, et M. Cortina ce qu’on appelle chez nous la gauche dynastique. De ces deux hommes, l’un entrera probablement au ministère, l’autre aura la présidence des cortès. Les modérés voteront, dit-on, pour tous deux. On a parlé ces jours-ci d’un ministère dont ferait partie le général Narvaez ; ce ne peut être qu’un bruit répandu à dessein par les mécontens. La formation d’un pareil ministère serait une grande faute. Le général Narvaez est indispensable au poste qu’il occupe si bien ; c’est aux personnages parlementaires à agir maintenant sur le parlement.

Il paraît certain que, dès leur réunion, les cortès reconnaîtront la majorité de la reine. Isabelle II a eu treize ans le 10 de ce mois ; sa majorité de fait n’aura précédé que d’un an sa majorité légale. Après l’accomplissement de cette première formalité viendra sans doute la question du mariage. Les Espagnols de tous les partis attachent une grande valeur à cette question, et ils ont raison. Nous craignons pourtant qu’ils ne se l’exagèrent. Dans un gouvernement constitutionnel, la personne du prince n’est pas aussi importante que dans une monarchie absolue. Que les Espagnols cherchent pour leur reine le meilleur mariage possible, rien de plus naturel et de plus juste ; mais ils auraient tort de rattacher à ce choix de trop grandes craintes ou de trop grandes espérances. Le mari de la reine Isabelle n’aura qu’une influence limitée sur les destinées du pays.

Nous ne voyons que deux choix qui auraient réellement quelque importance par eux-mêmes ; l’un est un fils de l’infant don Carlos, l’autre est un prince de la maison d’Orléans. Le caractère significatif de chacun de ces choix nous paraît précisément ce qui doit empêcher qu’on y songe. Marier la reine avec le fils du prétendant, c’est détruire ce que les armes de l’Espagne constitutionnelle ont accompli avec tant d’effort ; c’est relever le drapeau renversé de l’absolutisme, et