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SITUATION DE L’ESPAGNE.

dale, compliquent encore le système ; il en résulte que les charges sont réparties sur la surface du territoire avec une criante irrégularité. Quand certaines parties de l’Espagne sont écrasées, d’autres au contraire jouissent de priviléges exorbitans. Point d’unité ; beaucoup de branches de revenu sont affectées à des destinations spéciales ; chaque ministère a ses recettes particulières et son budget distinct, dont les meilleurs produits sont parfois engagés d’avance pour plusieurs années. C’est une confusion semblable en tout à celle qui régnait dans les finances de la France avant 1789.

L’Espagne a eu beaucoup d’assemblées constituantes qui se sont occupées de lui donner des lois politiques, elle n’en a pas encore eu une qui ait songé à la doter d’une bonne organisation financière. Ce sera là l’éternel honneur de l’assemblée constituante française. Elle a sans doute commis bien des fautes, elle est tombée dans bien des erreurs ; mais en même temps qu’elle fondait sur des théories impraticables la constitution politique du pays, elle lui donnait la constitution économique qu’il a encore, et qui a si heureusement succédé au chaos de l’ancien régime. Les travaux de l’assemblée, sous ce rapport, ont été moins brillans sans doute, mais plus solides, d’un effet plus durable et plus sûr que ses travaux politiques. La constitution de 1791 a disparu ; l’unité administrative et financière est restée.

Voilà un travail qui reste à faire à l’Espagne et un de ceux qui lui importent le plus. L’unité et l’homogénéité des finances sont de grands leviers de puissance pour un état. Quand toutes les recettes sont centralisées, la révision devient plus facile, et la répartition plus équitable. Or, les effets d’une bonne répartition sur le revenu public sont incalculables. Avec quelques impôts bien simples, bien clairs, mais également distribués et habilement assis, l’Espagne obtiendra plus de résultats qu’avec cet amas d’exigences vexatoires, confuses, et quelquefois contradictoires. Le spectacle de ce qui se passe en France peut encore lui servir d’exemple. Le nombre de nos contributions est borné, mais leur perception est si bien entendue et se moule si naturellement sur le progrès de la richesse publique, que sans l’établissement de nouveaux impôts, les revenus montent d’eux-mêmes, dans une proportion considérable, à mesure que la consommation s’accroît et que les échanges se multiplient.

Il est surtout une branche de revenu qui n’a pas encore été, à vrai dire, exploitée en Espagne : ce sont les douanes. Dirait-on que, dans cette monarchie de quinze millions d’ames, où l’aisance moyenne