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REVUE. — CHRONIQUE.

M. le marquis de Dalmatie à Berlin et laissera la place de Turin vacante pour M. de Salvandy. M. de Dalmatie a honorablement terminé sa mission près de la cour de Sardaigne par un traité de commerce qui, sans établir entre les deux pays tous les rapports commerciaux qui devraient les unir, leur sera néanmoins fort utile. Sans doute ce n’est pas notre librairie qui peut en attendre un grand soulagement. Au-dessus des lois commerciales, existe en Piémont, comme dans presque tous les états italiens, une censure minutieuse, tracassière, inexorable ; ajoutons, pour être vrais, une censure qui aggrave la maladie qu’elle a la prétention de prévenir, car c’est une idée étrange de croire que l’Italie puisse être, comme un nouveau Paraguay, mise à l’abri de toute invasion de la pensée, de ce poison dont le nom seul met en alarme toutes les polices de la péninsule. La censure n’arrête pas les poisons les plus subtils et les plus délétères ; elle n’arrête que les livres, que les publications où se trouverait l’antidote. Ce ne sont pas les pauvretés dont la censure favorise l’impression qui peuvent neutraliser l’effet des doctrines perverses et subversives qui pénètrent toujours à travers les mailles des réseaux de la police. Ceux auxquels on défend la quantité et la variété recherchent avidement la qualité, c’est-à-dire tout ce qui paraît de plus incisif, de plus audacieux, de plus monstrueux. A-t-on jamais vendu sous le manteau que des choses horribles ? Il est tel livre que nous n’avons jamais lu ni vu, dont personne ne s’occupe en France, et dont l’existence ne nous a été signalée que par des étrangers qui l’avaient lu et relu avec délices dans leurs pays de censure. On se demande, en vérité, qu’est-ce que la censure prétend empêcher ? Qu’on n’apprenne qu’il est dans le monde des pays libres, des gouvernemens représentatifs, des institutions libérales ? Qu’on ne fasse remarquer que rien de pareil n’existe en Italie, bien qu’à coup sûr les Italiens n’aient rien à envier en fait de lumières et de progrès aux Belges, aux Bavarois, aux Badois, aux Grecs ? Qu’on ne démontre que, même toute idée de constitution à part, il est dans plus d’un état italien d’énormes abus à faire cesser, d’urgentes et décisives réformes à réaliser ? Grand Dieu ! qui ne sait tout cela ? Est-ce là un secret pour quelqu’un, même en Italie ? Croit-on que les Italiens l’ignorent, parce qu’il ne leur est pas permis de le crier tout haut ? Imagine-t-on que tous les muets sont à la fois sourds et aveugles ?

Parmi les dispositions de ce traité, il en est une dont on a exagéré l’importance : celle qui frappe le transit de la contrefaçon belge. Ce transit est en réalité très minime. Le grand débouché pour la Belgique en Italie, c’est Livourne : par là elle répand ses livres dans toute la péninsule et les envoie aux îles Ioniennes, en Grèce, à Smyrne, en Égypte, à Constantinople. Encore le midi de l’Europe n’entre-t-il que pour une médiocre part dans l’exploitation de la contrefaçon. C’est surtout le Nord, la Russie, le Danemark, la Hollande, l’Angleterre, puis les Amériques, le Brésil, qui alimentent les principaux comptoirs. Les journaux de Bruxelles se sont élevés contre le traité conclu avec la Sardaigne, moins parce qu’il attaque un grand intérêt