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tenter en Italie, telle avait été la ferme espérance de Philippe III, telle était la politique dont une jeune infante devait être à la fois dans la pensée paternelle et l’instrument et le symbole. Or, il advint que le pouvoir royal se renforça bientôt en combattant l’Espagne, et non point en s’appuyant sur elle, et il se trouva qu’Anne d’Autriche passa le temps de sa régence dans une lutte incessante contre la chère patrie dont elle se séparait alors avec tant de larmes ; enfin le dernier résultat des alliances espagnoles sous Louis XIII et sous Louis XIV fut de transmettre à un fils de France des droits ou des prétentions qui, en moins d’un siècle d’intervalle, portèrent la maison de Bourbon sur le trône des rois catholiques !

Cependant la conclusion du mariage avait porté un grand coup à la faction huguenote et féodale. Il fallait désormais se résigner à un fait accompli, puisque les forces espagnoles étaient prêtes à venir l’appuyer au besoin. Les peuples, d’ailleurs, avaient presque partout applaudi à l’auguste hyménée, et les princes insurgés restaient isolés et réduits à leurs propres forces. Les classes bourgeoises surtout s’écartaient par un instinct sûr d’une cause qui ne pouvait être la leur, et dont le triomphe aurait éloigné de plusieurs siècles le jour de leur victoire. Le parti réformé restait seul debout et armé, avec les nombreux gentilshommes attachés à la fortune personnelle des princes. La cour profita avec habileté de ce mouvement favorable de l’opinion publique. Elle sut détacher de la ligue, par l’offre de grands avantages pécuniaires, les ducs de Mayenne et de Longueville, et bientôt après le duc de Bouillon, en disponibilité pour toutes les trahisons et pour toutes les intrigues, et qui n’avait voulu, confessait-il naïvement, être le principal auteur de la guerre que pour se donner le mérite d’être l’auteur principal de la conclusion de la paix. Le gouvernement donna large satisfaction aux réformés sur les griefs imaginaires ou fondés consignés dans leurs manifestes ; il consentit à accepter près d’eux la médiation de l’ambassadeur d’Angleterre, et après de longues négociations où l’on vit intervenir sur un pied d’égalité des commissaires du roi, des agens du prince de Condé et des députés des églises réformées, la paix fut conclue à Loudun, à des conditions qui touchaient moins le public que les hommes personnellement engagés dans cette stérile querelle. Ce traité n’était une victoire pour personne ; mais il constatait une fois de plus l’impuissance de la royauté, qui, après avoir mis le prince de Condé hors la loi, consentait à subir ses conditions et à désintéresser ses créatures.