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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

les seigneurs qui troublaient le repos de la cour de Louis XIII ; anéantir la Hollande et se venger de la longue trêve que son courageux patriotisme avait imposée à l’orgueil de ses anciens maîtres ; s’assurer du duc de Savoie pour diriger sans résistance les affaires de l’Italie ; opposer le pape aux Vénitiens et la vieille majesté de l’empire aux prétentions électorales : tel était le vaste plan qu’inspirait au cabinet espagnol l’indestructible pensée d’une monarchie universelle.

L’empire obtint de grands succès au début de cette longue lutte. Chacun sait que l’intervention des Suédois, provoquée par la France, changea seule la face des choses. Si le triomphe de la politique austro-espagnole n’avait été arrêté par les combinaisons audacieuses de Richelieu, il est hors de doute que la France, demeurée sans influence dans cette crise décisive, allait tomber pour bien long-temps au rang de puissance secondaire, et l’on peut conjecturer qu’une restauration bâtarde et fausse de l’unité religieuse se fût opérée dans quelques parties de l’Allemagne impériale. Dans cette hypothèse, le principe catholique fût resté peut-être pour toujours identifié avec la politique et les inspirations de l’Escurial, de telle sorte que Rome et l’Espagne n’eussent éveillé dans l’esprit et la conscience des peuples qu’une seule et même pensée ; alors Louis XIV et son siècle devenaient impossibles, et la souveraineté européenne du génie français plus impossible encore. Or, c’est là ce que Dieu a détourné dans les conseils éternels de sa providence, c’est à ce péril qu’il a arraché l’avenir de l’église et les destinées du monde moderne. La France est douée, entre toutes les nations, d’une sympathique puissance que l’Espagne ne connut jamais, et les destinées du catholicisme reposent avec plus de sécurité sur son sol bouleversé par les tempêtes et battu par le flot de toutes les opinions humaines que sur la terre où il semblait régner alors sans résistance et sans contrôle. Il fallait Richelieu pour engendrer Louis XIV, et Louis XIV seul pouvait asseoir et fonder cette suprématie intellectuelle de la France qui survit à toutes les vicissitudes, et dont il est malaisé de se défendre alors même qu’on la conteste avec le plus de violence.

Saluons donc d’un cri d’espérance et de joie l’avénement de l’homme appelé à effacer le passé, pour qu’il fût possible d’écrire l’avenir ; saluons le destructeur d’une société impuissante et corrompue, le formidable initiateur d’une ère nouvelle, qui, commençant par le pouvoir absolu, contenait en germe la démocratie moderne, avec tous les mystères de ses destinées. Examinons de sang-