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gonflait, le vent soufflait d’ouest, et à l’horizon, avec sa blanche voilure s’avançait un vaisseau.

« Et lorsque dans les psaumes du roi d’Israël, tantôt regardant autour de moi, tantôt feuilletant mon livre, j’en vins à l’endroit que vous lisez en tête de ce chant, près du rivage désert, ayant replié leurs voiles grises, s’avançaient trois bateaux pêcheurs, bien équipés.

« Et derrière eux, gris et noir au milieu de la blanche écume des flot plongeait et nageait grand comme un géant, un animal monstrueux. Ils le traînaient avec un cordage. Les falaises grondent ; le mât craque avec fracas ; le harponneur jette l’ancre. Sur le bord reposent les bateaux pêcheurs avec la baleine.

« Et maintenant, au cri des frères et des époux, arrive par bandes le peuple du désert ; joyeux, ils sortent des huttes et courent vers le rivage. Ils voient la fille de l’Océan, le corps éventré par le fer ; ils voient sa tête fracassée, d’où l’eau ne jaillira plus…

« Et les pêcheurs dansaient et chantaient autour de leur proie sanglante. Alors il me sembla qu’elle roulait son œil à demi fermé, avec mépris, sur cette foule grossière. Il me sembla que son sang rouge ruisselait de sa plaie, fumant de colère, et qu’en râlant elle murmurait dans la tempête : Ô misérable race des hommes !

« Ô nains qui avez vaincu le géant par la ruse ! Lâches habitans de la terre qui devriez craindre mon empire ! Ô faibles créatures qui ne pouvez traverser la mer que dans un vaisseau creux, pareils à ces honteux animaux qui ne sortent jamais de leurs coquilles !

« Ô rivage aride et dépouillé ! Et sur ce rivage, quelle vie aride et dépouillée aussi ! Peuple affamé ! Comme ils se sont agités, quand ils ont vu que j’étais là ! Que leur village est tristement situé sur la dune avec ces sombres huttes ! — Et toi, vaux-tu mieux qu’eux, toi qui me regardes mourir, ô poète ?……… »

Ce même sentiment est exprimé parfois avec une certaine grace légère et moqueuse, comme dans la pièce où les hirondelles, arrivées des climats brûlans, rasent de l’aile l’eau tranquille des étangs, pour converser avec la reine des sylphes dans son palais de cristal ; elles lui racontent qu’elles ont vu les Arabes, les Maures, les manteaux blancs des Bédouins, et que le crocodile du Nil la fait saluer. Le plus souvent toutefois, c’est l’effet des contrastes que le poète recherche, et les plus heureuses pages qu’il ait écrites dans ce genre où il confronte avec beaucoup d’art deux natures différentes, ce sont assurément deux ou trois peintures des armées françaises dans le désert. Il y a encore là, je le sais, un souvenir des inspirations de M. Victor Hugo ; après les continuels caprices et les excursions loin-