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dit, non sans vraisemblance, qu’il avait été sur le point, dans son exil, de vendre ses droits à Cromwell. Pour six cent mille livres, il aurait sanctionné le bill qui excluait son frère de la succession, eût consenti à les lui donner d’avance. C’était une des bonnes fortunes de la restauration d’avoir été un fait national, dans lequel l’honneur anglais n’avait eu rien à souffrir des injures de l’intervention étrangère. Ce bonheur inappréciable, Charles l’effaça pour de l’argent. Il ne rougit pas de se mettre à la solde de Louis XIV et de lui sacrifier les intérêts de son royaume. D’ailleurs, l’inclination de sa politique extérieure vers les alliances catholiques, interprétée à l’intérieur par les persécutions rigoureuses exercées contre les protestans dissidens, blessaient les idées religieuses de l’Angleterre et effrayaient comme une menace les nombreux intérêts qu’avait fortifiés la durée de l’établissement épiscopal ; le fol enthousiasme des premières années de la restauration fit place à une irritation qui finit par éclater aux élections de 1679. Les horribles inventions de Oates portèrent la réaction aux dernières limites. Les défauts même de Charles, sa paresseuse mollesse, son amour des plaisirs, le sauvèrent dans cette crise ; il plia sous l’orage. « Pour rien au monde et pour personne, avait-il coutume de dire, je n’ai envie de recommencer mes voyages. » Après avoir dissous trois fois le parlement, qui revint trois fois avec les mêmes dispositions, il céda. Cette soumission opportune lui ramena l’opinion publique, et les excès de l’opposition lui rendirent la faveur populaire. En 1681, il était encore tout-puissant. Jacques II lui-même eut à son avènement les communes les plus complaisantes qu’eût jamais rencontrées la maison de Stuart. Deux insurrections se levèrent contre Jacques : elles furent facilement réprimées ; mais l’odieuse sévérité avec laquelle il les punit jeta l’épouvante et la désaffection dans les cœurs. Il mit enfin toute la nation contre lui lorsque ses desseins religieux se dévoilèrent. La cause de Jacques II mériterait sans doute les sympathies de tous les amis éclairés et sincères de la liberté, s’il n’eût eu réellement pour sa foi qu’une prétention légitime à la tolérance. Malheureusement Jacques II avait trop montré ses instincts persécuteurs pour qu’on pût croire à sa franchise lorsqu’il parlait de tolérance. Il voulait recommencer l’œuvre de Marie Tudor. Il n’est pas de méprise plus grossière que celle qui lui fit croire à la possibilité du succès de cette tentative. Il s’imagina que parce que le parti de la haute église directement menacé par ses projets, prêchait l’obéissance passive à la couronne, ce parti ne lui résisterait pas. Certes, si c’est chez les in-