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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

si minutieusement décrit par Puységur[1], cuirasse couleur d’eau, habit feuille-morte relevé d’une légère broderie d’or, ample chapeau à plumes, épée au côté, pistolets à l’arçon de la selle, toujours suivi du capitaine de ses gardes, et précédé de pages portant ses gantelets. On entendait les soldats donner le maudit cardinal à tous les diables pendant les dures épreuves de la campagne, et l’applaudir avec transport lorsqu’il conquérait Pignerol à la France.

Après s’être ouvert, par la prise de cette ville, une bonne porte sur l’Italie, Richelieu rentra dans le royaume, où de grands dangers allaient le menacer dans tout l’éclat de sa fortune et le prestige de sa gloire. Les motifs véritables de sa rupture avec la reine-mère restent obscurs pour l’histoire et n’importent guère à la postérité. Ce qu’il est facile de pénétrer, indépendamment de toutes les révélations anecdotiques, c’est que Richelieu se sentait désormais trop nécessaire au monarque pour accepter un rôle secondaire, et qu’il aspirait à se dégager d’une domination que Marie mettait tous ses soins à maintenir et à aggraver. Ce désaccord, préparé par des débats personnels, se révéla pour la première fois à l’occasion de la succession de Mantoue, question dans laquelle la princesse florentine portait de vieilles antipathies de race en opposition avec les intérêts du prince de Gonzague et avec le protectorat départi à la France. Ces contrariétés de reine, aigries peut-être par d’amères ressentimens de femme, conduisirent Marie à travailler avec plus d’ardeur que de prudence à l’éloignement de l’homme qui se sentait alors assez fort pour ne plus garder de son vieux rôle de créature que les dehors d’une soumission respectueuse. Le cardinal ne se dissimula pas le péril d’une telle inimitié ; mais il savait aussi tout ce que l’ame inquiète de Louis nourrissait de soupçons relativement à sa mère : il comprit dès-lors qu’il n’était pas impossible de puiser dans cette inimitié même une force nouvelle, et qu’en faisant de Marie de Médicis la première ennemie de son fils, il associerait pour jamais ses destinées et ses haines aux destinées et aux haines de son roi.

Au retour de la campagne de 1630 en Italie, Louis XIII s’était arrêté à Lyon, atteint d’un mal qui un moment fut estimé mortel. Sa convalescence fut longue, ses douleurs furent aiguës, et sa mère lui prodigua des soins que rien ne remplace pour un fils gisant sur un lit de douleurs. Autour de cette couche, dont elles avaient seules le

  1. Mémoires, liv. II, p. 66.