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LE CARDINAL DE RICHELIEU.

ses intérêts particuliers dans l’ardeur des luttes religieuses du siècle précédent. Conséquent avec les traditions politiques de sa maison, il crut pouvoir ranimer au cœur des protestans le feu de la rébellion, en même temps qu’il assemblait de sa pleine autorité les évêques et les états de la province, pour les engager dans sa révolte par la perspective de redressemens à réclamer et de priviléges à conquérir. L’invincible obstination des protestans à repousser les offres les plus brillantes, pour se tenir en dehors de cette affaire, fit crouler ce plan par sa base. Les impressions de la campagne de 1629 étaient encore si vives dans le Languedoc, et la conduite de Richelieu en matière religieuse avait été si prudente et si habile, que les officiers protestans se montrèrent presque partout les plus fermes soutiens du gouvernement royal. Voyant que le dessein du gouverneur de la province était de soulever leurs coreligionnaires, au risque de les exposer à des vengeances terribles, « les ministres se crurent obligés, pour leur propre défense, dit Richelieu, de faire plus que tous les autres pour le service du roi. » Ainsi l’on vit le duc de Montmorency allant vainement de ville en ville et de consistoire en consistoire pour tenter la fidélité du peuple, et ne recueillant que d’injurieux refus, tant il est vrai que la puissance des idées ne survit point aux circonstances, et qu’en politique les anachronismes sont les plus dangereuses de toutes les illusions ! Le succès de l’insurrection était donc devenu impossible. Elle n’avait plus à tenter que les hasards d’une bataille, cette dernière ressource des causes compromises. Montmorency voulut y mourir. Entraîné par sa fougue et par la vue de l’abîme que son imprévoyance avait si tristement évoqué, il inonda les champs de Castelnaudary du sang héroïque des connétables mais le ciel en réserva le reste à l’inflexible justice de Richelieu.

L’exécution de l’arrêt rendu par le parlement de Toulouse fut le complément nécessaire de la politique du ministre. Richelieu commet un crime politique, lorsqu’il immole le maréchal de Marillac sous l’appareil d’une justice dérisoire ; quand il fait monter sur l’échafaud le chevalier de Jars, et que, résolu d’épargner sa vie, il se complaît à lui faire dévorer toutes les angoisses de la mort, le cardinal est cruel et lâche dans sa cruauté. Il n’est pas moins barbare lorsqu’il associe le jeune de Thou au supplice de son ami, et qu’il confond la non-révélation d’un attentat avec cet attentat lui-même. En frappant le duc de Montmorency, Richelieu consomme un acte tout politique, que l’état du pays imposait évidemment à la royauté. La clémence n’est un moyen de gouvernement qu’autant qu’elle