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LA MARINE DES ARABES ET DES HINDOUS.

qu’ils rêvassent derrière quels continens lointains disparaissait le soleil. L’Égypte, qui sut tant de choses au temps de sa splendeur, connaissait la géométrie, dont les quatre faces triangulaires de ses pyramides sont comme le symbole, et l’astronomie, puisque le disciple de Thalès, Anaximandre, répandit en Grèce les figures du zodiaque rapportées de Memphis par son maître. Cependant toutes ces découvertes faites en Orient de loin en loin, tour à tour perfectionnées, puis ensevelies sous les ruines de la nation à laquelle elles étaient dues, attendaient que l’Europe les reprît l’une après l’autre et les soumît patiemment à une application régulière.

D’ailleurs, dans ces temps reculés, les navires, traversant des détroits ou des mers intérieures, ne faisaient presque autre chose que passer un bac, porter des marchandises d’une caravane à l’autre ; ces petits voyages pouvaient s’accomplir sans le secours de la boussole, de cette étoile toujours lumineuse que le nautonnier tient dans le creux de sa main. De la Méditerranée à la mer Jaune, du détroit des Dardanelles à la Manche de Tartarie, dans tout l’Orient, ce pays de migrations incessantes, les routes restaient tracées, et le commerce dut avoir lieu par caravanes ; avant de construire de grands vaisseaux, le Persan, l’Arabe, l’Égyptien, l’Hindou, employèrent les animaux rapides ou robustes que Dieu leur avait donnés : le cheval, le chameau, l’éléphant. La source des peuples comme celle des fleuves est sur les plateaux élevés, au sein des continens. Effrayé de l’immensité de l’Océan, toujours furieux aux abords des caps, qu’une crainte superstitieuse faisait regarder comme infranchissables, l’homme aima mieux traverser le désert que de le tourner. Les anciennes puissances maritimes ne semblaient-elles pas aussi destinées à périr en un seul jour comme le vaisseau dans la tempête ? On eût dit qu’elles n’avaient pas plus de racines dans le sol que les populations flottantes ralliées au hasard dans leurs ports. Malgré leur opulence, Tyr, Sidon, Carthage, l’Alexandrie des Ptolémées elle-même, bien que moins exclusivement commerçante et reine aussi par la philosophie et les lettres, n’eurent pas les proportions de Thèbes, de Memphis, de Balbec, de Palmyre, de ces gigantesques cités assises en terre ferme loin d’un océan quelconque ; elles n’étaient pour ainsi dire que des villes du second âge. Dans des siècles plus rapprochés nous voyons, sans que les fléaux de la guerre amènent ces changemens notables, les grandes places d’entrepôt dépérir tout à coup, le jour où s’ouvre une route inconnue, où les navigateurs, prenant une direction nouvelle, doublent enfin des caps re-