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LA MARINE DES ARABES ET DES HINDOUS.

de ces barques s’y trouvera dans les beaux temps surtout et s’il ne tient pas au luxe d’une table anglaise, aussi bien et plus librement que dans les somptueux steamers, où le commissaire vous déclare, dès en entrant, que vous êtes under the martial law, soumis à la discipline militaire. Le patron ne lui fournit que le bois et l’eau, le reste des vivres est à sa charge ; mais aussi a-t-il l’entière possession de toute cette grande cabine, dans laquelle aucun importun ne viendra le troubler. Peut-être, à l’extrémité du navire, sur la proue, il se rencontrera, comme pendant à cet Européen, un Turc voyageant dans des conditions tout-à-fait différentes, à savoir un mendiant qui, muni de certificats quelconques, couverts de paraphes, et constatant que le porteur a été ruiné par un de ces malheurs inattendus auxquels tout homme est sujet en Orient, s’en va, transporté gratis par le charitable capitaine, quêter dans les provinces de l’Inde. Jamais il n’a possédé les biens dont il déplore la perte ; mais il tend la main sans scrupule à ses coreligionnaires, qui rougiraient de ne pas lui donner une aumône. Deux ans après, il retournera dans sa patrie avec une petite somme, prêt à fournir tous les détails que lui demandera un ami désireux de marcher sur ses traces.

Les principaux articles exportés de la mer Rouge sont le café, les perles, les dattes sèches, le séné, la gomme, et les produits de la rive africaine, le benjoin, l’encens, la myrrhe. L’Oman fournit du blé, des peaux, de la laine, des chameaux et des ânes que l’on porte surtout à Bourbon. Le Bahrain, ainsi que le pays à l’embouchure de l’Euphrate, envoie particulièrement à Bombay des chevaux, dont l’armée anglaise a toujours besoin. Ces animaux font sur le pont toute la traversée, qui, de Bassorah à Bombay, varie de vingt à trente-cinq jours ; mais il est rare que le navire aille directement d’un point à l’autre sans relâcher, ne serait-ce que pour renouveler sa provision d’eau. Il est alloué un palefrenier par cinq chevaux, et le capitaine, responsable de sa cargaison, perd le fret de la bête qui meurt en route. Aussi évite-t-il avec soin les gros temps ; le plus possible il rase les côtes, prêt à s’abriter au fond d’une baie, à se jeter dans le port de Mascate, à Hormuz, premier asile des Guèbres expatriés, à Karak, où l’on pêche les plus belles perles ; et, soit à cause du danger de cette navigation, pourtant assez facile en temps ordinaire, soit défaut de confiance envers les marins musulmans, les compagnies d’assurance refusent d’inscrire ces bâtimens sur leurs registres.

Lorsque le sultan Tippou, voulant fonder une marine, établit des chantiers à Onore, ce fut des dows qu’il fit construire, et certes ces