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LA SARDAIGNE.

porté au complet ses deux réserves en grains et en numéraire, l’administration d’un canton reste encore en possession d’une somme sans emploi prévu : elle peut alors, avec l’autorisation du vice-roi, l’appliquer à des dépenses d’utilité publique ou de bienfaisance, comme la réparation des chemins communaux, la construction d’une fontaine, le dessèchement d’un marais, ou bien l’éducation d’un orphelin, ou la dotation d’une fille pauvre.

C’est encore une heureuse inspiration que celle du barracellat, et ce qui le prouve, c’est que, imaginé sous le gouvernement espagnol, modifié, étendu, aboli et rétabli à maintes reprises, il a survécu à toutes ces variations. On nomme ainsi une compagnie d’assurance armée, dont le but est non-seulement de préserver les campagnes des dégâts et des vols de toute espèce, mais aussi de fournir une indemnité aux propriétaires, dans le cas où les coupables n’auraient pu être arrêtés. Chaque particulier contribue selon ses facultés, et d’après sa déclaration, à l’entretien d’une compagnie de barracelli, dont le capitaine, nommé par le vice-roi, reste maître de composer sa troupe à son gré, moyennant l’approbation de l’autorité locale : il la choisit ordinairement parmi les petits propriétaires ou autres citoyens honnêtes et solvables du canton où elle fonctionne. Les barracelli n’ont pas de costume particulier : chaque compagnie est constituée pour une année, pendant laquelle elle est responsable de tous les dégâts, de sorte qu’à l’expiration de son service, elle se trouve en bénéfice ou en perte, selon sa vigilance. Ainsi, au moyen d’une cotisation annuelle, tout propriétaire peut laisser mûrir ses récoltes et errer ses bestiaux, sans avoir à se préoccuper des déprédations et des accidens.

Le gouvernement sarde a compris que chaque avantage remporté sur l’intempérie, chaque victoire partielle obtenue sur ce fléau aurait une immense portée. En même temps qu’on augmenterait la valeur du sol, qu’on changerait en plaines fertiles de stériles marécages, on détruirait une cause sans cesse agissante d’antipathie et de répulsion entre les états d’outre-mer et ceux de terre-ferme. L’écoulement des eaux stagnantes, l’exploitation des grandes plaines incultes, le reboisement des terrains dégarnis, auraient d’incalculables résultats. La Toscane a conquis sur la malaria les marais de Sienne ; les Romains avaient desséché les marais Pontins ; les Sardes ne peuvent-ils en faire autant dans leur île ? Le cabinet de Turin a bien encouragé quelques compagnies à se lancer dans ces entreprises de dessèchement ; mais l’incertitude des profits pendant les premières années, la