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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1843.


La majorité de la reine d’Espagne vient d’être proclamée, et Isabelle a prêté serment devant les cortès. Quelques anarchistes à part, ainsi que quelques-uns de ces étroits logiciens qui préfèrent un syllogisme à la patrie, toutes les opinions, tous les partis, s’accordaient à reconnaître qu’il n’y avait pas un autre moyen de salut pour l’Espagne. Personne n’était plus en état d’en garder ou d’en prendre le gouvernement. De tous les côtés, on n’apercevait plus que des ruines ; le trône seul restait debout. C’est autour du trône constitutionnel que devaient se rallier à la hâte tous ceux qui ne voulaient pas livrer leur pays aux derniers égaremens de l’anarchie, et préparer ainsi le retour du pouvoir absolu ; car il reste toujours une chance au despotisme : la chance de se voir rappelé comme un moyen de délivrance. Les nations, avant tout, veulent exister, et lorsque la liberté dégénère en un profond et incurable désordre, elles préfèrent la servitude à la mort.

Les cortès ont bien mérité de la patrie. La majorité de la reine a été proclamée à la presque unanimité. C’était évidemment le verdict du pays. Aucun parti ne peut revendiquer l’honneur ni les avantages de la mesure : elle leur appartient à tous. Le décret des cortès est un fait éminemment national. C’est l’Espagne déclarant formellement à don Carlos, à Espartero, à la république, qu’ils sont tous également repoussés par le pays.

L’ordre légal recommence enfin en Espagne. Un gouvernement régulier se mettra à l’œuvre, et il trouvera devant lui une tâche bien difficile et bien rude. Le désordre est au comble dans les finances, dans l’administration, dans l’armée. Partout les traditions du despotisme et les désordres de l’anar-