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jalouse de sa dignité, a exigé des réparations : elle les a obtenues tantôt par la force des armes, tantôt par l’entremise d’un médiateur.

Enhardis par ces précédens, les Français qui quittent leur patrie et traversent l’Océan pour aller sous d’autres climats tenter les hasards de la fortune sont généralement enclins à penser que non-seulement la sollicitude de la France doit les suivre partout où ils portent leurs pas, mais que sa puissance matérielle doit être sans cesse à leur disposition. Si, au grief le plus léger qu’ils se croient en droit de reprocher à la nation qui les a accueillis des forces imposantes ne sont pas toujours prêtes à agir pour obtenir une prompte et éclatante réparation, ils accusent le gouvernement de pusillanimité et le représentent comme courbant lâchement la tête devant le chef d’une petite république. Ne dirait-on pas que la puissance de la France doit se mettre au service de tous les caprices et de toutes les folies de l’intérêt individuel ?

Cette remarque s’applique à la conduite que les Français établis à Montévideo ont cru devoir tenir au moment où cette capitale de la république orientale de l’Uruguay était menacée par l’armée de Rosas. C’est sur les lieux mêmes, et en suivant attentivement la marche des évènemens, que nous avons cherché à connaître les motifs qui l’avaient suggérée, et les effets qui en sont résultés. Il importe, pour l’apprécier, de bien connaître d’abord la position respective des parties belligérantes au moment où l’amiral Massieu de Clerval a paru, avec sa division, dans le Rio de la Plata.

Le Cerrito, petite éminence située à six milles au nord de la ville, était occupé par l’avant-garde de l’armée de Rosas, composée de cinq mille hommes sous les ordres d’Oribe.

À la suite du combat de l’Arroyo-Grande, le général Riveira, après avoir rallié les débris de son armée, s’était retiré vers les frontières du Brésil pour s’y réorganiser, et avec le dessein de harceler l’ennemi tout en évitant les affaires décisives. Jusqu’à ce jour, Riveira n’a pas dévié de cette ligne de conduite.

La ville de Montévideo était défendue par quatre mille hommes de troupes régulières ; une ceinture de fortifications devait opposer une vigoureuse résistance aux assaillans, si jamais il leur fût venu dans l’esprit de tenter l’assaut.

Le point culminant des environs, le Cerro, dont la base forme une des pointes qui protégent la petite rade et au sommet duquel est construit un fort assez considérable, était au pouvoir des défenseurs de la République Orientale. Certes, pour ceux qui ont examiné tous ces moyens de défense, dus au zèle et au patriotisme du général Paz, il était puéril de croire que, sans artillerie de siége, l’ennemi eût jamais osé tenter une attaque sérieuse.

Si, immédiatement après le combat de l’Arroyo-Grande et la défaite presque complète de Riveira, le lieutenant de Rosas eût marché sur Montévideo, nul doute que cette ville, alors sans défense, ne se fût rendue sans coup férir ; mais, le vainqueur n’ayant pas su profiter de sa victoire, les habitans de Montévideo, revenus peu à peu de la terreur où les avait plongés la défaite