Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 4.djvu/687

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
681
LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

Tous du moins sont unanimes sur sa constance et son inébranlable courage. Une fois mis en prison pour crime politique, on y mêla d’autres accusations théologiques et philosophiques : il demeura vingt-sept ans dans les fers. Un auteur contemporain et digne de foi[1] raconte que Campanella soutint, pendant trente-cinq heures continues, une torture si cruelle, « que toutes les veines et artères qui sont autour du siége ayant été rompues, le sang qui coulait des blessures ne put être arrêté, et que pourtant il soutint cette torture avec tant de fermeté que pas une fois il ne laissa échapper un mot indigne d’un philosophe. Campanella lui-même fait ainsi le récit de ses souffrances dans la préface de l’Athéisme vaincu[2] :

« J’ai été renfermé dans cinquante prisons et soumis sept fois à la torture la plus dure. La dernière fois, la torture a duré quarante heures. Garrotté avec des cordes très serrées et qui me déchiraient les os, suspendu, les mains liées derrière le dos, au-dessus d’une pointe de bois aigu qui m’a dévoré la seizième partie de ma chair et tiré dix livres de sang ; guéri par miracle après six mois de maladie, j’ai été plongé dans une fosse. Quinze fois j’ai été mis en jugement. La première fois, quand on m’a demandé : « Comment donc sait-il ce qu’il n’a jamais appris ? a-t-il donc un démon à ses ordres ? » j’ai répondu : Pour apprendre ce que je sais, j’ai usé plus d’huile que vous n’avez bu de vin. Une autre fois, on m’a accusé d’être l’auteur du livre Des Trois Imposteurs, qui était imprimé trente ans avant que je fusse sorti du ventre de ma mère. On m’a encore accusé d’avoir les opinions de Démocrite, moi qui ai fait des livres contre Démocrite. On m’a accusé de nourrir de mauvais sentimens contre l’église, moi qui ai écrit un ouvrage sur la monarchie chrétienne, où j’ai montré que nul philosophe n’avait pu imaginer une république égale à celle qui a été établie à Rome sous les apôtres. On m’a accusé d’être hérétique, moi qui ai composé un dialogue contre les hérétiques de notre temps… Enfin on m’a accusé de rébellion et d’hérésie pour avoir dit qu’il y a des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, contre Aristote, qui fait le monde éternel et incorruptible… C’est pour cela qu’ils m’ont jeté comme Jérémie dans le lac inférieur où il n’y a ni air ni lumière… »

Toutefois, en protestant contre les chefs de l’accusation qui lui est intentée, Campanella convient qu’il a pu faillir : « Je ne prétends

  1. J.-N. Erythraeus (Rossi), dans sa Pinacotheca Imaginum illustrium, 1643-1648.
  2. Non imprimée dans l’édition que Campanella a donnée de cet ouvrage ; retrouvée, comme la lettre de Schoppe, et publiée aussi par Struve, Acta litteraria, t. II.