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de la Philosophie première (la Métaphysique), mais je ne suis pas de cet avis. — Ni moi non plus, dit Vanini. » Et on allègue l’autorité d’Alexandre d’Aphrodisée qui donne Dieu, non comme le moteur mais comme la fin des choses ; on l’appelle un homme divin, ses paroles sont célestes, nectarea divini viri verba ; on traite de fable la doctrine des plus grands péripatéticiens, que l’intelligence est cause du mouvement de rotation du premier ciel. « S’il en était ainsi dit Vanini, l’intelligence serait au monde comme une bête de somme attachée à une meule qui tourne. D’ailleurs un moteur suppose un point d’appui, et sur quoi voulez-vous que s’appuie une pure intelligence ? Enfin, d’après Aristote lui-même, tout ce qui meut est nécessairement mu ; or, rien n’est mu que ce qui est matériel, selon Averroës. L’intelligence, étant immatérielle, ne peut être mue, réciproquement elle ne peut être cause de mouvement. » L’interlocuteur de Vanini propose timidement la vraie réponse à ces raisonnemens sophistiques : L’ame, qui est immatérielle, se meut elle-même ; elle est bien la cause de ses propres mouvemens, elle se meut sans point d’appui, elle se meut sans être mue par un autre moteur ; et il y a bien plus : tout immatérielle qu’elle est, en se mouvant elle-même, elle meut le corps qui est matériel. Pourquoi donc l’intelligence suprême ne pourrait-elle faire ce que fait la nôtre, se mouvoir elle-même et mouvoir le ciel ? Jules-César se contente de répondre que ce n’est là qu’une mauvaise comparaison[1], et sans rien prouver ; il affirme que l’ame ne se meut point elle-même, ce qui est contraire aux faits les plus certains, mais qu’elle meut le corps et qu’elle est mue par le corps, comme si, dès qu’il accorde que l’ame meut le corps, il ne s’ensuivait pas qu’un être immatériel peut mouvoir un être matériel, à moins, qu’au fond, sans le dire ici, on n’accorde pas que l’ame soit immatérielle. Quand Vanini prétend que la réponse d’Alexandre n’est qu’une mauvaise comparaison, nous lui dirons à notre tour que c’est à lui-même et à sa manière de raisonner qu’il devrait adresser ce reproche. Il part des lois de l’ordre matériel, où en effet, la première impulsion étant supposée, tout corps qui meut a lui-même un moteur, tout ce qui est mu est corps, tout ce qui meut est corps aussi, et n’agit qu’avec un point d’appui matériel. Voilà bien les lois de l’ordre matériel. Transporter ces lois dans l’ordre intellectuel, c’est raisonner par voie d’analogie en choses essentiellement dissemblables ; c’est donc faire la plus défectueuse des

  1. Dial., p. 19.