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LA VIE ET LES ÉCRITS DE VANINI.

cienne : l’ame est l’acte d’un corps organique doué de vie ; « cette définition, dit Vanini, convient parfaitement au céleste animal… La masse du ciel (la totalité du monde) est mue circulairement par sa propre forme, comme les élémens. » L’interlocuteur de Vanini, Alexandre, essaie de tirer des lois certaines et fixes du monde la preuve de l’assistance d’une intelligence divine. Jules-César répond : « Comment, dans le grossier mécanisme d’horloges fabriquées par un Allemand ivre, ne trouve-t-on pas un mouvement certain et réglé ? Pour ne rien dire du mouvement de la fièvre tierce et de la fièvre quarte, qui arrive et s’en va à des intervalles certains, sans jamais dépasser d’un moment le point marqué ; le flux et le reflux de la mer a certaines époques fixes, en vertu de sa seule forme, c’est-à-dire de la pesanteur, comme vous dites vous autres péripatéticiens. De même, lorsque je vois le ciel obéir toujours au même mouvement, je dis que c’est sa forme seule qui le meut, et non pas la volonté d’une intelligence. — Alexandre : J’en tombe d’accord. »

Qu’est-ce que l’homme, et que deviennent dans un pareil système l’immatérialité et l’immortalité de l’ame ? Si Vanini n’ose pas dire « qu’esprit vient de respirer (spiritate à spirando), et que respirer est un phénomène qui tient fort à la matière, » il expose complaisamment cette théorie ; il prétend que tous les grands philosophes ont fait l’ame matérielle : Hippocrate, les stoïciens, Aristote, Platon même, et, après avoir autorisé le matérialisme en lui donnant fort gratuitement de tels défenseurs, pour toute réfutation il en appelle à la religion. On a déjà vu que dans l’Amphithéâtre Vanini laissait paraître quelques doutes sur l’immortalité de l’ame. Ici il refuse toute explication à cet égard, et le motif qu’il donne de son silence paraîtra, je crois, l’explication la moins équivoque. « Alexandre : Dis-moi, mon cher Jules, ton sentiment sur l’immortalité de l’ame — Jules-César : Excuse-moi, je te prie. — Alex. : Pourquoi cela ? — Jules César : J’ai fait vœu à mon Dieu de ne pas traiter cette question avant d’être vieux, riche et Allemand[1]. »

S’il pouvait rester quelque incertitude sur le matérialisme de Vanini, lui-même prend soin de la dissiper par la triste morale qu’il professe ouvertement. Il ne fait pas difficulté de soutenir que la vertu et le vice ne sont autre chose que les fruits nécessaires du climat, et qu’ils dépendent de la constitution atmosphérique, du système de nourriture, des humeurs que les parens nous ont transmises, et sur-

  1. Dial., p. 492.