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dans les ouvrages de Vanini. On allait l’absoudre, quand le témoignage de Francon vint l’accabler ; ce fut ce témoignage qui le perdit. Jusque-là le récit de Gramond est très clair ; mais où il ne l’est pas c’est sur le point précis de l’accusation intentée à Vanini, et sur le vrai fondement de sa condamnation. Vanini fut-il condamné comme hérésiarque ou comme athée ? Gramond dit que la plupart l’ont regardé comme un hérésiarque, et que lui le regarde comme un athée. La plupart désigne-t-il ici les juges, ou le public, ou les auteurs qui ont écrit sur cette affaire ? Cette remarque de l’historien, que pour lui il regarde Vanini comme un athée, ne signifie-t-elle pas qu’il ne fut pas considéré comme tel par beaucoup de personnes, et que par conséquent ce ne fut pas là ce qui le fit accuser et condamner ? Gramond dit plus bas qu’il fut accusé de corrompre la jeunesse par des dogmes nouveaux. Cela est extrêmement vague : on ne marque pas quels étaient ces nouveaux dogmes. D’un autre côté, l’interrogatoire de Vanini sur Dieu semble attester qu’il fut accusé d’athéisme, puisqu’il s’en défendit. Enfin, comment le parlement de Toulouse connaissait-il du crime d’hérésie ou du crime d’athéisme, lorsqu’à Toulouse même était un tribunal spécial, institué pour juger ces sortes de crimes, à savoir le saint-office, l’inquisition ? Entre ces deux juridictions, comment Vanini, ecclésiastique, accusé d’hérésie ou d’athéisme, se trouva-t-il justiciable du parlement ? On le voit ; le récit de Gramond, qui paraît d’abord si clair et si détaillé, ne l’est pas assez et laisse encore de l’obscurité sur ce qu’il importe le plus de bien connaître, le chef même de l’accusation et de la condamnation, et ce qui détermina la juridiction du parlement. Dans ce silence du seul témoin authentique, nous serions fort embarrassé, si un autre témoin, jusqu’ici ignoré, et tout aussi digne de foi que Gramond, ne venait à notre secours.

M. Malenfant, greffier du parlement de Toulouse au commencement du XVIIe siècle, a laissé des mémoires manuscrits sur les affaires les plus importantes auxquelles il assista. Ces mémoires sont conservés avec soin à Toulouse. Nous avons pu nous procurer une copie[1] du passage où est raconté le procès de Vanini. Malenfant avait assisté, comme Gramond, à toute la procédure ; il avait également à sa disposition et entre ses mains toutes les pièces. Il confirme

  1. Je dois cette copie à M. Franck, auteur du savant livre de la Cabale, aujourd’hui professeur de philosophie au collége Charlemagne, et qui étudiait alors à Toulouse.