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ÉTUDES SUR L’ANGLETERRE.

bourgade de pécheurs, à l’embouchure de la Mersey, et le port où l’on s’embarquait ordinairement pour passer en Irlande[1]. En 1700, la ville n’avait pas 6,000 habitans. En 1760, la population s’élevait à 25,787 personnes ; mais le port n’avait reçu dans l’année que 1,245 vaisseaux, et les droits de dock n’avaient produit que 2,330 liv. st. (près de 60,000 francs) au trésor municipal. En 1700, Liverpool était porté sur les rôles de la contribution foncière (land-tax) pour la modeste somme de 168 liv. st. 13  sh. 10 den. (4,220 fr.), et le revenu du district (hundred) de West-Derby, qui comprend cette ville, était évalué à 35,642 liv. st. (891,050 fr.).

Il y a loin d’une telle indigence aux splendeurs du présent. Le revenu de West-Derby se trouve estimé aujourd’hui, dans les évaluations des receveurs du comté, à 2,124,925 liv. st.[2], ce qui suppose dans la richesse locale un progrès de 5,900 pour 100. Liverpool, avec ses faubourgs, compte une population de 280,000 ames. Ses docks reçoivent annuellement quinze mille vaisseaux ; le revenu municipal ne s’élève pas à moins de 8 millions de francs, et le produit net des douanes que l’Échiquier y a établies excède 100 millions. Un seul port de la Grande-Bretagne rapporte ainsi à l’état plus que la France ne retire du revenu de tous ses ports réunis.

C’est une étude pleine d’intérêt que de suivre, dans l’histoire de Liverpool, la trace de ses développemens successifs. On y voit ce que peut la volonté de l’homme aux prises avec les obstacles que la nature avait accumulés. Les Hollandais ont reconquis leur sol sur la mer ; les gens de Liverpool ont forcé la mer à venir à eux. L’embouchure de la Mersey forme une espèce de mer intérieure, dont les sables obstruent le lit, où les navires, à marée haute, sont battus par les vents et par les vagues, et où la marée basse les laisse à sec sur la vase, en retirant tout à coup vingt à trente pieds d’eau. Pour obvier à ces dangers, il fallait creuser des bassins qui pussent s’ouvrir à marée haute, se fermer à marée basse, et offrir aux navires un niveau constant. Voilà le problème que l’on résolut à Liverpool, dès l’année 1699, en ouvrant le premier dock humide que l’Angleterre eût encore possédé. Le second bassin fut inauguré en 1748, et en 1800, lorsque Londres n’avait pas encore de docks, ceux de Liverpool occupaient un espace de 45 acres, dont l’étendue est aujourd’hui plus que doublée.

  1. Camden’s survey.
  2. Past and present state of Lancashire.