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tinées à l’exportation, recevait sur le produit de la vente des avances qui représentaient communément les deux tiers de la valeur. Cet argent servait à fabriquer de nouveaux produits et tant que le commerce était prospère, les marchandises se vendant, on renouvelait les crédits ; l’impulsion, une fois donnée, ne s’arrêtait plus. Toutefois, au moindre engorgement qui se déclarerait sur le marché extérieur, les crédits devaient s’arrêter, et la production avec les crédits ; puis, s’il arrivait que la crise se prolongeât, les avances pouvaient être compromises. Voilà ce qui a causé de nombreuses faillites à Liverpool.

Le commerce de Liverpool avec l’Irlande passe aujourd’hui en importance celui que fait cette ville avec toutes les autres contrées réunies. Les exportations de l’Irlande en Angleterre s’élèvent annuellement à 20 millions sterling, et les importations au moins à la moitié de cette somme. Ces expéditions se partagent entre Glasgow, Liverpool, Bristol et Londres ; mais Liverpool en reçoit la plus grande partie. Dans l’enquête de 1833, les produits que l’Irlande importe à Liverpool étaient évalués à 4,500,000 livres sterling (115 millions de francs). Ils dépassent probablement aujourd’hui 6 millions sterling. Sans parler de 8 à 900,000 quarters de blé et d’avoine, ainsi que d’une énorme quantité de beurre, de bœuf salé et de porc salé, Liverpool a reçu de l’Irlande, en 1839, 171,000 bœufs et vaches, 280,000 moutons ou agneaux, 390,000 porcs et 6,108 chevaux ou mules, qui représentaient ensemble une valeur de 85 millions de francs. Manchester et les villes qui forment comme une pléiade de satellites autour de Manchester vivaient auparavant sur les produits agricoles du comté d’York ; elles tirent aujourd’hui leurs approvisionnemens de l’Irlande. Pendant que l’agriculture écossaise nourrit Londres, l’Irlande nourrit le Lancashire, contrée peu fertile, et que la nature semble avoir destinée aux manufactures en ne lui prodiguant que les dépôts de houille et les eaux.

Le commerce des bestiaux à Liverpool ne remonte pas à plus de vingt années ; il est entre les mains des négocians les plus respectables, et donne lieu à un immense mouvement de transports. Mais l’Irlande, en expédiant les produits de son sol, exporte aussi sa population surabondante et qu’elle ne peut pas nourrir. Liverpool, qui n’était d’abord qu’une étape entre l’Angleterre et l’Irlande, devient ainsi peu à peu une ville irlandaise. La race saxonne, il est vrai, se maintient dans les régions supérieures et dans les classes moyennes de la société ; la race celtique envahit les régions inférieures et en