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préparait les bases. On ne peut qu’applaudir à l’ordonnance royale qui vient d’appeler au sein du conseil M. Maurocordato et M. Coletti. Ce fait honore également et les hommes qu’on appelle ainsi dans les conseils du roi, et le chef du cabinet, M. Metaxa. M. Metaxa n’a point redouté la présence et l’influence de deux hommes d’état considérables et dont il n’avait pas suivi jusqu’ici la ligne politique, et M. Maurocordato, qui avait été ministre dirigeant, n’a point trouvé au-dessous de lui le rôle de conseiller sans portefeuille. On peut tout espérer d’hommes qui savent ainsi s’oublier en présence des intérêts du pays. Ces nobles exemples sont un enseignement dont il faut espérer que tous les Grecs profiteront. Le sort de leur patrie est en leurs mains. L’Europe les regarde, et ils n’ont rien à craindre que leurs propres passions. L’Angleterre et la France acceptent la révolution grecque sans la blâmer ; l’Autriche et la Prusse, tout en la blâmant, l’acceptent également et désirent qu’elle accomplisse promptement son œuvre, et qu’elle se consolide. La Russie boude, mais cette bouderie n’aura pas de conséquences, si les Grecs, en se donnant une constitution sensée, raisonnable, enlèvent tout prétexte aux accusations et toute chance aux agitateurs. Ce que nous redoutons pour les Grecs, c’est l’engouement des théories : leur pays est encore si faible, si décousu, si mal pourvu de moyens de stabilité et de résistance, que vouloir lui appliquer certaines institutions dans toute leur énergie, ce serait comme renfermer une liqueur en fermentation dans un vase sans cercles. Les institutions doivent se proportionner aux forces morales du pays. Ce qui est facile, raisonnable, sans danger en France et en Angleterre, pourrait ne pas être praticable en Grèce. Au surplus, nous ne connaissons pas assez l’état du pays pour porter ici un jugement particulier sur les institutions politiques qui pourraient lui convenir.

Le ministère ottoman vient d’être modifié. On y a appelé un ami, un élève de Rechid-Pacha. Cette crise partielle a donné lieu à plus d’une conjecture. Ce qu’il y a de certain, c’est que les hommes récemment appelés par le sultan dans son conseil appartiennent aux idées modernes, et ne sont pas de ces Turcs ignorans et fanatiques qui pensent pouvoir rendre à l’empire ottoman sa force et sa grandeur, en renouvelant les violences et les horreurs d’une époque qui est passée sans retour. Mais ce n’est pas par des demi-mesures, en appelant au sein du divan quelques hommes éclairés et modérés, que la Porte peut espérer de s’arrêter sur une pente qui devient tous les jours plus rapide. C’est une réforme générale et profonde, une réforme appliquée à toutes les parties de l’administration, qui pourrait seule arrêter la décadence de l’empire. Ajoutons que cette réforme n’est qu’un rêve. Les Turcs ne sont en état ni de la faire, ni de l’accepter, ni de la supporter. Ils n’ont plus de foi ni en eux-mêmes, ni dans leur gouvernement. Que peuvent quelques hommes levés en Europe, lorsque, rentrés dans leur pays, loin d’y trouver d’autres hommes qui les comprennent et leur viennent en aide, ils n’y trouvent qu’ignorance, défiance et aversion ?

Le procès d’O’Connell a été renvoyé au 15 janvier. Un homme d’esprit