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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

mais aussi aux fermiers qui, selon lui, ne devaient pas être confondus avec les propriétaires. Courant de ville en ville, de marché en marché, et organisant partout des meetings : « Venez à nous, criait-il aux fermiers un peu surpris d’abord ; venez à nous, nous sommes vos véritables amis. Quel est en effet le résultat de la taxe des céréales et de cette fameuse échelle mobile qu’on vous présente comme votre ancre de salut ? C’est d’une part d’augmenter le fermage que vous payez aux propriétaires, de l’autre d’introduire dans les prix agricoles une déplorable mobilité. Venez à nous, et nous vous aiderons à obtenir ce que vous désirez le plus, des fermages moins élevés et des prix aussi fixes que la nature le permet. »

Ce langage ne pouvait manquer d’être écouté. Il le fut à tel point, que, dans plusieurs localités, les fermiers donnèrent la main à M. Cobden et s’enrôlèrent dans l’association. On peut soupçonner que cette situation nouvelle des esprits n’échappait pas à sir Robert Peel, quand il saisit l’occasion d’un mot peut-être imprudent pour signaler au pays M. Cobden, et la ligue en sa personne, comme ne reculant pas même devant l’assassinat. Cependant, si tel était son calcul, l’évènement ne le justifia pas. De toutes parts, en effet, eurent lieu des meetings et des adresses à M. Cobden pour le laver de l’injure qui lui était faite, pour l’encourager et le soutenir dans la lutte. Manchester, notamment, donna une grande fête en l’honneur de la liberté commerciale, et au sortir de cette fête, une adresse revêtue de 11,372 signatures vint assurer M. Cobden de la confiance illimitée et du respect profond des ouvriers. Il serait beaucoup trop long d’énumérer toutes les réunions où depuis l’attaque de sir Robert Peel parut et parla l’infatigable M. Cobden. Il suffit de dire qu’il se montra l’O’Connell de la liberté du commerce, et que ses succès dépassèrent toute attente. Aussi, sur plusieurs points, des propriétaires influens, des membres du parlement même, crurent-ils devoir venir sur les hustings lutter avec M. Cobden, et proposer des résolutions contraires aux siennes ; mais presque toujours ils furent battus. C’est ce qui arriva notoirement à Essex, où sir John Tyrrel et M. Ferrand n’eurent de leur côté que le tiers des fermiers présens.

Fort de ces marques de sympathie, le chef de la ligue redoubla chaque jour de véhémence, même au sein du parlement, où il prouva que les coups de sir Robert Peel avaient été loin de l’abattre. Qu’on suppose dans notre chambre des députés, toute démocratique qu’elle est, un orateur venant du ton le plus vif tonner contre les propriétaires fonciers, et les accuser en propres termes « de piller les