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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

Quand un ministre était choisi par le patron, tout fidèle pouvait donc s’opposer à son installation, et faire valoir les motifs quelconques qui le rendaient inhabile à remplir ses fonctions soit partout, soit spécialement dans la paroisse dont on voulait lui confier la direction. Un débat contradictoire s’établissait alors entre les opposans et le pasteur devant le presbytère d’abord, puis en cas d’appel devant le synode, puis devant l’assemblée générale en dernier ressort. Ainsi se trouvaient conciliés, selon lord Aberdeen, les droits des patrons et ceux de l’église ; malheureusement ni l’église ni les patrons n’acceptèrent la transaction.

La lutte continua donc, et passa bientôt des paroles aux actes. Ainsi, dans de nombreuses localités, le patron nomma en vertu du statut de la reine Anne, et les communians, en vertu de la loi du veto, refusèrent d’accepter le ministre nommé. Les patrons alors s’adressèrent aux tribunaux civils, qui les soutinrent, et les communians, aux cours ecclésiastiques, qui leur donnèrent gain de cause. On vit ainsi dans la même paroisse deux ministres, l’un, du choix du patron, interdit par les cours ecclésiastiques, l’autre, du choix des communians, interdit par les tribunaux civils. C’est ce qui arriva notamment à Strathbogie et à Auchteracter, deux noms qui dans cette longue querelle ont été souvent prononcés. Est-il besoin de dire à combien d’abus et d’inconvéniens pouvait donner lieu cette étrange et réciproque interdiction ?

Cependant le patron d’Auchteracter, le comte de Kinnoull, résolut de pousser l’affaire à bout, et de faire vider définitivement la question. Le ministre choisi par lui ayant été éconduit, conformément à la loi du veto, il actionna le presbytère devant les tribunaux civils, et demanda des dommages intérêts pour le tort qu’on lui avait fait. Les tribunaux civils prononcèrent en sa faveur, et condamnèrent le presbytère à lui payer 16,000 livres sterling. Le presbytère en ayant appelé, l’affaire vint en définitive à la chambre des lords, qui jugea comme les tribunaux civils. À dater de ce moment, tout espoir de rapprochement s’évanouit, et il fut clair que la séparation s’accomplirait ; mais s’accomplirait-elle par la majorité ou par la minorité ? En d’autres termes, l’assemblée générale du clergé, qui à 2 voix contre 1 avait jusqu’ici maintenu la loi du veto, persisterait-elle dans cette résolution, quand il lui serait démontré que l’état tiendrait bon ? Voilà la question qui restait à résoudre.

Pour qui connaît l’esprit humain, il est évident que la résistance chaque jour plus décidée de l’état et des tribunaux civils devait pro-