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LE ROYAUME-UNI ET LE MINISTÈRE PEEL.

espoir d’en sortir. Lorsqu’O’Connell parle aux métiers de Dublin, il lui est facile de les éblouir par le tableau brillant des maisons qu’ils auront à construire, à décorer, à meubler pour les membres du parlement irlandais ; mais cela se réduit à peu de chose, et Dublin n’est pas toute l’Irlande. Quant aux absentees, l’impôt annuel qu’ils tirent de l’Irlande est certainement fort lourd, mais partagé entre 8 millions de pauvres, le produit de cet impôt ne les enrichirait pas beaucoup. Lord Brougham a donc raison de dire que l’argent des Saxons est plus que jamais nécessaire au bien-être des Celtes, et que ceux qui l’empêchent d’entrer ou de se fixer dans ce triste pays sont coupables de toutes ses souffrances. Cependant lord Brougham a tort quand c’est à l’agitation qu’il s’en prend. L’agitation de 1829 empêchait les capitaux anglais de pénétrer en Irlande tant aussi bien que l’agitation de 1843. Si j’ai bonne mémoire, lord Brougham pourtant la trouvait excellente, et s’associait puissamment aux agitateurs, dont les griefs lui paraissaient légitimes. Ils l’étaient en effet, mais ceux d’aujourd’hui ne le sont-ils pas également ? Qu’on fasse droit aux griefs de 1843 comme on a fait droit à ceux de 1829, et si l’agitation persiste ensuite, on fera bien de la dénoncer comme barbare et comme funeste. Jusque-là ses erreurs même seront excusables, et, si elle poursuit une chimère, ce n’est point cette chimère qu’il faut injurier, mais l’indigne politique qui l’a enfantée et qui la soutient encore aujourd’hui.

Ainsi, je le répète, il me paraît douteux que le rappel de l’union produisît pour l’Irlande les bons effets qu’elle en attend. Il me paraît certain qu’elle ne saurait l’obtenir sans un effort désespéré, et qui probablement, comme celui de 1798, tournerait contre elle. C’est une double raison de désirer que prompte et bonne justice lui soit faite.

Quand il représente le rappel de l’union comme si simple, si facile, si profitable, O’Connell est-il donc de mauvaise foi ? Je ne sais, et je regarde comme très possible qu’il se fasse illusion à lui-même, et qu’après avoir pris au début le rappel comme un moyen, il ait fini par y voir un but glorieux. Quoi qu’il en soit, on aurait tort de lui reprocher de viser trop haut et de demander trop. Quand il s’agit de l’Irlande, l’Angleterre a l’oreille dure, et pour se faire entendre il faut crier un peu. Si l’Irlande obtient jamais justice, ce ne sera, comme en 1782, comme en 1829, qu’en face d’un danger grave, imminent. O’Connell le sait, et il agit en conséquence. Ce n’est déjà pas si peu de chose que d’avoir en quelques mois rétabli la question irlandaise au premier rang des questions politiques ; ce n’est pas si