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Les congrégations religieuses qui se vouent à l’instruction des classes ouvrières prennent aussi chaque jour plus d’extension. Les congrégations de femmes comptent 10,375 institutrices, qui élèvent 620,000 enfans environ. Les frères de la doctrine chrétienne, qui sont au nombre de 2,136, ont aujourd’hui, en France, 382 établissemens, où plus de 164,000 élèves reçoivent l’instruction gratuite.

Puissamment secondée par les aumônes de l’Europe catholique, l’œuvre des Missions étrangères s’est remarquablement étendue ; on a fondé à Paris une association pour la propagation du catholicisme en Angleterre ; une autre société s’est formée pour le rachat et le baptême des enfans idolâtres ; les plus ardens courages se sont tournés vers la Chine et l’Océanie, et la France du XIXe siècle a inscrit plus d’un nom sur son martyrologe. Dans ces guerres lointaines contre les idolâtries barbares, la France et l’Angleterre, comme si elles devaient se rencontrer sur tous les champs de bataille, se sont trouvées face à face. Le catholicisme français a dignement soutenu la lutte ; mais dans les missions du Levant, qui n’ont pas les dangers du martyre, la religion a eu le tort d’intervenir dans la politique. Les lazaristes, et entre autres leur général, M. l’abbé Étienne, ont été chargés de faire de la diplomatie ; ils ont échoué, et souvent même ils ont contrarié les véritables intérêts du pays. La lutte en effet, dans l’Orient., n’est pas contre l’islamisme ; on ne convertit pas les musulmans : elle est tout entière contre l’église catholique du rit grec, à laquelle on veut faire adopter le rit latin, résultat insignifiant au point de vue de la foi, et en affaiblissant ainsi l’église catholique grecque, on ne s’aperçoit pas qu’on prête la main à la Russie, qui la combat, de son côté, avec une intolérance singulière, afin de lui substituer son église schismatique et de se frayer la voie à l’aide du schisme. La Porte persécute à son tour, et la France, qui assiste au débat et s’y mêle par ses missionnaires, témoigne, quand elle est invoquée, plus que de l’indifférence. Ainsi, quand le patriarche de Smyrne, de Constantinople et d’Alexandrie, retenu pendant six mois dans une sorte de captivité en vertu du firman d’un pacha, a fait le voyage de France, quand il est venu à Paris solliciter une protection devenue nécessaire, on l’a repoussé ; lui qui est le pape de l’Orient, on l’a laissé sans ressources suffisantes dans un galetas du faubourg Saint-Germain, et les journaux religieux l’ont plaisanté sur sa barbe : singulière manière d’ouvrir, comme on dit, par les missions et le catholicisme, la route à l’influence et à la civilisation française en Orient !

Lyon est dans la province le centre le plus actif et comme la métropole de cette renaissance catholique ; mais il faut faire deux parts : d’un côté, la population éclairée et sage, qui est conservatrice et sainement religieuse ; de l’autre, la congrégation fondée en 1824. Cette congrégation, déjà puissante en 1830 et organisée comme les sociétés secrètes, s’est jetée dans la résistance politique ; on l’a vue attaquer la faculté de théologie, en même temps qu’elle cherchait à circonvenir, pour les entraîner hors des voies de la modération, les membres du haut clergé lyonnais. Après Lyon, on trouve, en