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DU MOUVEMEMENT CATHOLIQUE.

dans son discours préliminaire des œuvres de Fénelon, sur les théologiens mondains de notre époque : « On trouve l’écrivain derrière toutes les combinaisons de pensée et tous les artifices du langage ; tout révèle l’intention de ramener sur soi l’attention du lecteur…, et l’on se trouve mal à l’aise en retrouvant toujours un tiers entre soi et la vérité. » En ce qui touche la science théologique de M. de Genoude, on aurait tort de se montrer exigeant, car il faut se rappeler qu’il a été dispensé des études du séminaire, et que le sentiment poétique qui est en lui, ainsi que les embarras de ses candidatures, ont dû nécessairement lui causer, même au point de vue de l’orthodoxie, quelques distractions. Du reste, pour prévenir les objections, M. de Genoude a fait comme les poètes méconnus qui prouvent au public leur génie par des certificats ; il a imprimé, à la suite de son livre, des lettres de satisfaction délivrées par quelques membres du clergé. Un haut dignitaire ecclésiastique lui a même envoyé la calotte rouge du cardinal de Bérulle, faustum omen ! et cependant les premières pages du premier chapitre du Dogme catholique sont fortement empreintes de trithéisme et de sabellianisme En fait d’hérésie, le panthéisme universitaire serait-il seul par hasard un cas réservé ?

Souvent, et c’est là un des caractères distinctifs de la foi de notre temps, quand le cœur demande à croire, l’esprit se révolte et veut douter encore, et il semble que, tout en cherchant à convaincre, certains écrivains religieux éprouvent, comme à leur insu, le besoin de combattre les doutes qui murmurent sourdement en eux. Au moyen-âge, la foule, pour se précipiter dans la foi, fermait les yeux et s’y jetait en aveugle ; mais, entre le moyen-âge et notre époque, il y a Luther, Voltaire, la révolution : ou ne saurait échapper complètement, quoi qu’on fasse, aux influences de ce passé qui nous touche, pour renouer en un jour avec les temps qui sont plus loin ; nos modernes docteurs, tout en protestant de leur soumission, vont fouillant partout afin de chercher et de retenir la certitude, qui leur échappe à tout instant. Les uns exhument dans le passé les apologistes qui datent de l’origine même du christianisme, les écrivains religieux qui combattaient les païens. On réimprime, on traduit Tertullien, saint Irénée, etc. L’imprimerie catholique du Petit-Montrouge et les frères Gaume nous ont rendu dans des collections vraiment gigantesques la plupart des pères. Cependant, depuis Tertullien, la science a marché, on ne peut combattre le scepticisme moderne avec les armes qui terrassaient la philosophie païenne ; il fallait donc demander des argumens nouveaux aux lumières nouvelles apportées par la civilisation, et dans ces derniers temps il s’est formé une école d’apologistes qui s’appuie d’une part sur les témoignages historiques, de l’autre sur les sciences naturelles.

L’incrédulité du XVIIIe siècle, on le sait, avait attaqué la foi par les traditions ou la chronologie ; pour lui répondre, on a tourné contre elle ses propres armes : on a tenté de démontrer d’une part que l’histoire confirmait de tous points les affirmations du catholicisme, et de l’autre que les dogmes chrétiens