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CRITIQUE HISTORIQUE.

deux sexes qui vont y figurer, il leur lance à pleines mains les traits de sa mordante ironie. Il s’étudie à nous prouver que, si tous ces chefs de parti avaient de l’esprit à défaut de bonnes raisons, ils ne brillaient que par cet esprit de saillie qui ne grandit guère les individus, qui n’est dans la vie politique qu’un accessoire amusant, et qui, somme toute, est monnaie courante de nos jours, où le mérite d’un homme ne se mesure pas à la grace et au bon goût d’un quatrain. Il ajoute que, la plume à la main, toute cette verve parlée s’éteignait, que les écrivailleurs de la faction ne rencontraient, dans les laborieux écarts de leur polémique inféconde, que de viles accusations ou de tristes platitudes, et il déclare enfin, à juste titre, qu’il n’a découvert, dans les mazarinades écloses pendant la guerre de Paris, rien qui valût la peine d’une citation.

Mais, s’il est vrai que l’intervention de tous les grands noms du royaume ait complètement changé le caractère de la rébellion, est-ce à dire pour cela que la fronde ait à l’instant même perdu toute sa gravité ? Nous ne le pensons pas. Les mauvaises plaisanteries et les rires éclatans des intéressés ne prouvent rien ; la ligue avait bien eu ses joyeux quolibets et ses burlesques épopées. Lorsqu’on anéantissait sans ménagement tout le prestige de l’autorité, tout le respect dû aux personnages et aux agens royaux, lorsqu’on s’attaquait hardiment au pouvoir légal, à l’heure où la tête de Charles Ier tombait en Angleterre sous l’effort d’un autre corps nommé aussi parlement, lorsque, sous le prétexte de renverser un ministre odieux, on soulevait à plaisir toute l’écume des passions populaires, n’était-ce donc pas sérieux ? Sans doute la fronde a dans nos souvenirs un aspect singulièrement capricieux et goguenard ; mais cependant la capitale avait échappé au roi, Rouen se déclarait pour le duc de Longueville, les parlemens d’Aix et de Rouen s’unissaient à celui de Paris, qui prenait tous les airs d’un gouvernement provisoire, et représentait au petit pied ce que furent plus tard les comités de l’assemblée constituante ; enfin, si le nom du souverain n’avait pas cessé de figurer sur les drapeaux de cette étrange coalition, si la devise des mécontens était celle-ci : Nous cherchons notre roi ; si l’on s’inclinait avec respect devant la majesté absente de Louis XIV enfant, on n’en agissait pas moins comme s’il n’eût pas existé, opposant armée à armée, arrêts à ordonnances, et manifestes à proclamations. Il fallut, pour annihiler cette révolte sans causes légitimes, que le peuple, soulevé au début par une question de tailles, ne comprît rien aux théories libérales de ses meneurs, et que l’audace manquât à ceux-ci pour s’emparer de lui et exploiter la situation à leur profit ; il fallut que la magistrature ne comptât dans son sein que des hommes imbus au plus haut degré de l’esprit de corps, mais incapables d’avoir des idées arrêtées sur les suites possibles de cette émotion populaire, et fort mal disposés d’ailleurs pour les gentilshommes du parti qui tendaient à se substituer à eux avec le dédain le mieux caractérisé du précepte latin : Cedant arma togæ ; il fallut aussi que le coadjuteur, si retors en intrigue, n’eût ni fixité ni parti pris, outre que le rochet épiscopal ne convenait que médiocrement à